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De Giovanni Carestini à Philippe Jaroussky!

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/11/2006 -  
Airs tirés d’opéras de Haendel, Hasse…
Philippe Jaroussky (contre-ténor)
Le Concert d’Astrée
Stéphanie-Marie Degand (premier violon et direction)

Giovanni Carestini (1705-1760) fut un castrat très célèbre en son temps mais que la postérité tend à oublier face au monstre sacré qu’est devenu Farinelli. Ses contemporains n’eurent de cesse de louer son intelligence de jeu d’acteur, sa voix longue et profonde. Après une grande carrière illustrée par ses qualités musicales mais aussi par une vanité exorbitante, il se partage entre différentes cours d’Europe. Philippe Jaroussky et le Concert d’Astrée rendent un vibrant hommage à ce castrat en interprétant les plus beaux airs écrits pour lui, allant d’extraits de Porpora à bien sûr des airs de Haendel, notamment de son merveilleux Ariodante.



Le programme vocal s’ouvre sur un air de Nicola Porpora tiré de Sifare. Dans cette page Erminio s’adresse à l’Amour pour qu’il l’aide à retrouver sa bien-aimée. Cet air est véritablement une mise en voix pour Philippe Jaroussky qui peut montrer ses facilités dans l’exécution des vocalises - peu d’artistes arrive à une telle précision - et dans les notes épurées. Mais toutefois, pour avoir beaucoup entendu ce chanteur, une différence profonde avec ses prestations antérieures est perceptible. En effet, et cela ne cessera de se confirmer pendant tout le concert, le contre-ténor a gagné dans les graves et dans le moelleux de sa voix. L’instrument est toujours aussi pur, les notes très éthérées sont là mais des couleurs plus sombres, plus matures s’y ajoutent. L’air suivant est de Giovanni Maria Capelli, extrait de I Fratelli riconosciuti. Il demande davantage de douceur et de musicalité que le précédent et Philippe Jaroussky fait ici preuve d’un grand don d’acteur et de musicien, et ce dès les premières notes. Il parvient à jouer sur les nuances en commençant l’air par une voix sombrée mais pure sur le “ciel nemico”. Il déploie ensuite un souffle interminable pour les longues tenues sur des “a” qu’il chante avec une voix baroque pour terminer la note par un très léger vibrato qui donne du relief à l’expressivité. Oublions en revanche le troisième air de Leonardo Leo de Farnace qui met en difficulté le chanteur qui doit convoquer des graves, qui sont très beaux certes, mais pas encore très puissants. Avec Johann Adolph Hasse se profile un vrai compositeur. La vocalise n’est plus simplement un instrument pour faire briller le chanteur mais bien un outil dramaturgique. Dans ce premier air de La Clemenza di Tito, Sextus pleure son amour avec douceur et douleur. Philippe Jaroussky rend parfaitement justice à cette ambiance. En revanche dans le second, Sextus court à la mort avec grande colère. L’orchestre est ici excellent avec un pupitre de cordes déchaîné et emporté par la colère. Le tempo très rapide demande des prouesses au chanteur qu’il est capable d’accomplir mais pas forcément en pleine voix.
Pour la seconde partie du concert, Philippe Jaroussky aborde Haendel, compositeur qui décidément lui convient parfaitement. Il commence par l’air d’Ariodante “Tu preparati a morire” qu’il exécute finement et avec musicalité. Les différents “moriro” sont à faire pleurer des pierres tellement ils sont intenses: les “r” sont accentués pour davantager augmenter le relief avec des “o” très purs. Philippe Jaroussky doit ensuite lutter avec le fantôme omniprésent d’Anne-Sofie Von Otter de l’enregistrement inégalé de Marc Minkowski et avec celui plus récent de Magdalena Kozena qui avait donné une interprétation rageuse et étincelante du fameux “scherza infida” en novembre dernier dans ce même lieu. Et malheureusement la comparaison n’est pas vraiment à l’avantage de Philippe Jaroussky. Son interprétation est intéressante mais il cherche sa voie pendant quelques minutes et n’est pas aussi brillant et inspiré que dans certaines pages de Vivaldi qui demande la même sensibilité. Ariodante se révolte contre la situation sans trop savoir, parfois, où se diriger. En revanche les différents “a” en gamme descendante sont magnifiques de douleur et de renoncement. Il rajoute de temps en temps quelques notes intermédiaires mais avec une nuance supplémentaire. Dans cette partie d’Ariodante, Philippe Jaroussky retrouve sa voix initiale avec des couleurs presque féminines. Il chante ensuite l’air d’Aci de Aci, Galatea e Polifemo “Qui l’augel” avec grâce. Le duo avec le flûtiste est d’une grande virtuosité parce qu’ils rivalisent tous deux dans les échappées de notes. Il conclut le concert avec un air de Teseo tiré d’Arianna in Creta qui lui va vraiment très bien car il parvient même à donner du sens aux silences qui n’en deviennent que plus éloquents. En bis, Il interprète le “Verdi prati” d’Alcina que le castrat honoré trouvé trop simple pour ses moyens vocaux. Cet air est adéquat pour Philippe Jaroussky qui, ayant bien écouté Andreas Scholl, livre une lecture pleine de sensibilité et de nuances dans les diverses reprises. Il chante ensuite le “Venti, turbini”, air qu’il lui demande beaucoup trop (surtout après un programme aussi long et aussi dense) et qu’il vaudrait mieux qu’il évite pour le moment. Philippe Jaroussky est aussi très soucieux de donner corps aux récitatifs avec des expressions, des retards. Son habitude assez récente de la scène lui fait manifestement un bien immense car quand on l’a découvert il se montrait un concertiste assez figé et raide d’où une certaine imperméabilité à la musique.


Le Concert d’Astrée est, ce soir, privé de son chef et c’est donc le premier violon Stéphanie-Marie Degand qui prend la direction de l’ensemble. D’une main de fer elle entraîne l’orchestre depuis son violon et insuffle beaucoup d’energie et de sensibilité aux pièces exécutées. Une large place est abandonnée à la musique instrumentale: le concerto grosso n°3 de Corelli ouvre la soirée et la place d’emblée sous le signe de la virtuosité et de la sensibilité musicale. Il suffit d’écouter les phrasés des violons et l’intensité des violoncelles. Alexis Kossenko se joint à eux le temps de jouer le concerto pour flûte opus 3 n°7 de Hasse. Le flûtiste n’a besoin que de quelques notes pour créer une atmosphère. A noter aussi l’excellence du bassoniste Philippe Miqueu qui intervient à plusieurs reprises dans le concert et qui ajoute une touche supplémentaire d’émotion.



Ce soir c’est un Philippe Jaroussky détendu, sûr de ses moyens et de son art qui se présente devant un public plus qu’enthousiaste et il donne le meilleur de lui-même, un meilleur qu’il ne laissait auparavant qu’entrevoir mais que maintenant il laisse échapper. On se trouve véritablement en présence d’un très grand chanteur et d’un très grand musicien! Giovanni Carestini semble avoir trouvé en la personne de Philippe Jaroussky un digne successeur!




A noter:
- Philippe Jaroussky, en compagnie de l’ensemble Artaserse, vient de sortir un nouveau disque intitulé Beata Vergine, chez Virgin.
- Emmanuelle Haïm continue son exploration de Haendel avec Delirio, cantates de Haendel interprétées par Natalie Dessay, chez Virgin.


Manon Ardouin

 

 

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