About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Carte blanche à Argerich

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/24/2006 -  
Jean Sibelius : Concerto pour violon, opus 47
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 3, opus 26 (*)
Igor Stravinsky : Les Noces

Geza Hosszu-Legocky (violon), Martha Argerich (*), Alexander Gurning, Alexander Moguilewski, Youlia Zaichkina (piano), Tatiana Pavlovskaya (soprano), Susan Parry (alto), Valery Serkin (ténor), Andrey Antonov (basse)
Chœur de Radio France, Michel Tranchant (chef de chœur invité), Orchestre philharmonique de Radio France, Thierry Fischer (direction)


Devenue une légende de son vivant, Martha Argerich peut, sur son seul nom, susciter des prodiges: qu’il suffise à remplir le Théâtre des Champs-Elysées n’a encore rien de bien étonnant – encore que le fort contingent d’interprètes (Nicholas Angelich, Philippe Cassard, Ivry Gitlis, ...) venus assister à ce concert ait de quoi faire des jaloux – mais qu’il lui confère le pouvoir de composer un programme sur mesure et tout sauf conventionnel sort nettement plus de l’ordinaire. Une véritable carte blanche qui lui a permis non seulement de donner deux de ses œuvres fétiches mais aussi, comme elle en a l’habitude, de présenter des jeunes musiciens. Pour ce faire, Radio France n’a reculé devant aucun sacrifice: mobilisation du Philhar’ et du Chœur, importants changements de plateau, première partie gigantesque associant deux concertos, seconde partie requérant quatre pianistes, diffusion en direct sur France Musique et sur le réseau de l’UER.


Avec la prestation de Geza Hosszu-Legocky dans le Concerto pour violon (1905) de Sibelius, indigne d’un tel lieu et d’un tel événement, le début de cette soirée prit cependant l’allure d’un naufrage. Le parrainage d’Argerich et la jeunesse du soliste (né en 1985) – même si Sergey Khatchatryan, par exemple, bien qu’ayant exactement le même âge, se montre autrement plus convaincant dans ce même concerto (voir ici) – mais aussi la méforme d’un soir ou même le trac que peut éprouver tout artiste devraient inciter à une certaine bienveillance. Mais le violoniste, bien qu’ayant placé la partition sous les yeux, s’égare tellement que la consternation l’emporte.


Car si les difficultés techniques (incapacité à jouer juste, aigreur des aigus, sonorité manquant de corps) peuvent faire l’objet d’une certaine indulgence, tel n’est pas le cas de choix esthétiques extrêmement contestables: les poses virtuoses et le jeu «tzigane» évoquent tour à tour à Paganini (mais dépourvu des moyens qu’il requiert) et Bruch bien plus que Sibelius. Le public réserve un accueil tiède et poli à cette entrée en matière désastreuse que n’améliore pas l’accompagnement ronflant et massif dispensé par Thierry Fischer, remplaçant Myung-Whun Chung, qui continue d’être «retenu à Séoul pour de graves raisons personnelles».


Parmi des chevaux de bataille hélas trop peu nombreux, Martha Argerich s’est véritablement approprié, au fil des années, le Troisième concerto (1921) de Prokofiev, dont elle a notamment réalisé deux enregistrements officiels. Puissante sans être percussive, avec un toucher d’une belle variété, elle parvient à tenir tête à un orchestre fourni (soixante cordes) et trop souvent imprécis, conduisant les opérations avec l’agilité et le mordant qu’on lui connaît. D’une précision toujours aussi redoutable dans ses traits, elle frappe une fois de plus par sa capacité à dynamiser le discours par le moindre de ses coups de griffe, tout en laissant s’installer le charme (première variation du mouvement central) ou une froide étrangeté (quatrième variation). Au cinquième rappel, elle consent une aussi brève que fougueuse Mazurka de Chopin, la deuxième de l’opus 63 (1846).


Pour Les Noces (1923) de Stravinsky, ces «scènes chorégraphiques» dont elle a laissé voici près de trente ans une version de référence sous la direction de Bernstein, Argerich était secondée par trois de ses protégés. Malheureusement, les pianos, sans parler du chœur ou du quatuor vocal, peinent à se faire entendre de façon satisfaisante, tant Fischer laisse la percussion se déployer librement. Parmi les chanteurs, seules la puissance et la rugosité de la soprano Tatiana Pavlovskaya parviennent à s’imposer dans ce capharnaüm survolté, vision par trop réductrice d’une cérémonie paysanne qui tourne certes à l’ivresse, mais qui mérite une restitution plus subtile et équilibrée.



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com