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Théâtre et idéologie

Paris
Palais Garnier
01/27/2006 -  et 30 janvier, 2, 5, 8, 10, 13, 17, 20, 23, 25 février 2006
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni
Peter Mattei (Don Giovanni), Luca Pisaroni (Leporello), Christine Schäfer (Donna Anna), Mireille Delunsch (Donna Elvira), Shawn Mathey (Don Ottavio), David Bizic (Masetto), Aleksandra Zamojska (Zerlina), Robert Lloyd (Robert Lloyd)
Orchestre de l’Opéra National de Paris, Sylvain Cambreling (direction)
Michael Haneke (mise en scène)



Michael Haneke cache bien son jeu, il commence par une mise en scène novatrice, avec un décor moderne de bureaux avec ascenseur, murs gris, baie vitrée, qui froisse un peu le public (quelques huées à la fin du premier acte) mais recèle une vraie étude psychologique des personnages : Don Giovanni et Leporello sont deux cadres sup’ arrogants en costumes-cravates tandis que Zerlina et Masetto sont des employés du personnel de nettoyage. Osé mais ça fonctionne, les relations de dépendance prennent un tour très cru et très réaliste. On adore «l’air du catalogue» où Leporello sort de sa poche un assistant électronique, on apprécie les silences et les pauses durant les récitatifs qui ouvrent des portes sur l’intériorité des personnages, on note la bonne idée de faire un «air du champagne» très agressif qui révèle le nihilisme sous-jacent de Don Giovanni, on aime moins par contre la pénombre permanente dans laquelle est plongée la scène. Discutable certes, mais intéressant. Mais ça se gâte dans la scène finale où l’idéologie prend le pas sur le théâtre : le Commendatore n’est qu’un cadavre animé par le personnel de nettoyage, dont sa fille Donna Anna a revêtu l’uniforme, qui fige de stupeur Don Giovanni (ce qui n’est pas plausible !) et qui reçoit un coup de poignard de Donna Elvira avant d’être rageusement jeté dans le vide par tout ce beau monde. Pour une mise en scène qui voulait absolument éviter le XIXe siècle, nous voilà en plein dans Les Misérables ! Le propos est très clair : c’est le prolétariat multiculturel qui tue l’Homme blanc dépravé et coupable de tous les crimes, en somme le plus pur moralisme des petits bourgeois d’aujourd’hui. Il y a même, parmi les figurants, une musulmane voilée : c’est vrai qu’avec l’islam et la charia la licence sexuelle est rayée d’un trait, c’est même le plus sûr moyen de retourner à l’âge de pierre, mais à qui ne faut-il s’allier lorsqu’il faut expier le «sanglot de l’Homme blanc» (pour reprendre la formule de Pascal Bruckner), merci de ce clin d’œil en forme d’aveu M. Haneke.


Après cette mise en scène qui tombe à plat, revenons à la musique, dans la fosse d’abord, pour déplorer la direction totalement inintéressante de Sylvain Cambreling qui massacre l’ouverture par un tempo précipité et se révèle incapable de changer d’atmosphère dans la scène finale, le reste c’est en mesure plom, plom. La distribution est de très haut niveau, même si Mireille Delunsch semble mal à l’aise en Donna Elvira (voix nasillarde). Peter Mattei, pour ses débuts à l’Opéra de Paris, s’impose comme l’un des grands Don Giovanni actuels, d’une prestance vocale impressionnante (on pourra le réentendre en Comte dans Les Noces de Garnier en mars) tandis que son alter ego Luca Pisaroni campe un Leporello d’une remarquable santé vocale. Christine Schäfer remporte tous les suffrages en Donna Anna, de même que Shawn Mathey en Don Ottavio. Le plateau vocal constitue le véritable atout de cette nouvelle production créée le jour du 250e anniversaire de la naissance de Mozart. On aura aussi pu vérifier la bonne santé du public parisien qui a hué comme rarement le metteur en scène lors des saluts !



Philippe Herlin

 

 

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