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Paris
Bastille
01/21/2006 -  et les 24, 30 janvier et les 2, 5, 9, 12, 15, 17, 20, 23, 25, 28 février 2006.
Giacomo Puccini : Madame Butterfly
Liping Zhang/Hui He (Mme Butterfly), Ekaterina Gubanova (Suzuki), Marco Berti (Pinkerton), Dwayne Croft (Sharpless), Letitia Singleton (Kate), Burkhard Ulrich (Goro), Bartlomiej Misiuda (Yamadori), Stanislav Shvets (Le Bonze)
Frida Parmeggiani (costumes), Suzushi Hanayagi (chorégraphie), Hom Keller (dramaturgie)
Robert Wilson (décors et mise en scène)
Orchestre et Choeur de l’Opéra national de Paris
Marco Balderi (direction)

Entre le Châtelet et l'Opéra de Paris, cette saison, Robert Wilson inonde Paris de mises en scène ! Cette reprise de Madama Butterfly confirme que le metteur en scène américain possède une véritable puissance dramatique et qu’il sait se mettre au service de la musique et de l’oeuvre pour l’expliquer, la développer et l’enrichir. Il est soutenu dans son entreprise par une distribution sans faille d’où se distinguent la Butterfly fragile et imposante de Liping Zhang et le très noble Sharpless de Dwayne Croft.



Robert Wilson est le maître de la pureté et souvent sa lecture d’une oeuvre est réduite à sa plus simple expression. Les gestes sont toujours parfaitement étudiés et marquent des sentiments très précis (rejet, accueil, changement d’idée, etc…). L’idée, qui semble s’imposer d’entrée de jeu pour cet opéra, est que les japonais ont des gestes statiques alors que les occidentaux (Sharpless, Pinkerton, Kate dans une certaine mesure…) évoluent sur scène avec moins de rigidité. Cette codification s’applique de manière évidente à cet opéra et à l’intrigue parce qu’une grande partie des enjeux de l’oeuvre repose sur une civilisation codée dans laquelle Mme Butterfly se complaît. Les décors sont très simples, voire inexistants. Le fond de la salle est un rideau qui change de couleurs grâce aux éclairages (élément essentiel dans l’univers de Wilson). Le sol de la scène est, en revanche, travaillé. Les personnages arrivent dans la maison de Butterfly par un chemin de cailloux qui détermine bien le tracé. Les costumes sont très beaux et nobles. Les jeunes mariés sont en beige tandis que tous les autres personnages sont en noir, avec des robes représentées par des pans de tissus. Un soin particulier est porté aux coiffures, relevées en chignon.


Liping Zhang est une Butterfly de grande classe! Elle assume la partition avec une solidité vocale confondante, parvenant à nuancer de mille couleurs sa voix et son interprétation. Dès son entrée en scène elle aborde fièrement la musique avec une voix franche et légèrement vibrante, donc vivante. Son approche du personnage est très recherchée et elle parvient à peindre une jeune fille forte, résolue dans ses actes (le dernier air “tu, tu, piccolo Iddio” est d’une incroyable émotion) mais également fragile quand il s’agit de donner tout son amour à Pinkerton: le duo du premier acte est d’une magnifique pureté. Scéniquement la fin est surprenante et on approche de très près le drame: Butterfly n’a pas d’arme tranchante pour se tuer donc elle simule le geste et s’effondre avec des soubresauts de douleur concordant avec les “Butterfly” de Pinkerton. Tour à tour jeune fille, femme, victime sacrificielle, etc…Liping Zhang peint toutes les Butterfly qui se trouvent en un même corps.
Marco Berti a des moyens vocaux évidents, peut-être trop d’ailleurs. La voix est puissante, forte, belle mais l’interprète n’arrive pas forcément à nuancer son chant et à traduire les émotions du personnage, par excès de générosité vocale. Pinkerton n’est ni Calaf ni Radamès et il n’est pas inutile d’apporter une certaine sensibilité au héros américain (surtout and “Addio fiorito asil”). Mais on ne peut contester une réelle maîtrise des difficultés de la partition et une vaillance qui convient au Pinkerton du début de l’opéra.
Dwayne Croft se taille un franc succès dans le rôle de Sharpless. Il impose son élégance vocale et scénique au personnage un peu double du consul. Ses interventions sont empreintes d’une certaine autorité surtout dans les ensembles. Sharpless devient alors une sorte de philosophe qui tente d’apporter un peu de soutien à Butterfly et de sagesse à Pinkerton.
Ekaterina Gubanova était très attendue en Suzuki. Cette jeune chanteuse, toute fraîchement sortie du programme de jeunes chanteurs du Covent Garden, a des moyens presque insolents. Aucune note ne lui échappe et elle campe une servante attentionnée à Butterfly, se vieillissant dans ses gestes, dans la pose de sa voix. Le duo des fleurs au deuxième acte est le plus beau moment de toute la représentation car les voix des deux femmes se mélangent très bien ensemble pour n’en former plus qu’une, à la fois triste, éperdue d’espoir, de bonheur, consciente de l’avenir… tout cela dans une grâce toute musicale.
Les rôles secondaires sont parfaitement tenus à commencer par le Goro rusé, venimeux de Burkhard Ulrich. Ce jeune chanteur possède une voix idéale pour ce type de rôle et il use de son côté perçant pour rendre encore plus habile son personnage. Letitia Singleton fait également bonne impression dans le rôle de Kate Pinkerton. L’instrument est solide et l’aisance scénique de la chanteuse, rendue encore plus évidente par son longue robe écrue (et nettement plus occidentale que celle que Butterfly) parle en faveur de son personnage.


L’un des grands triomphateurs de la soirée est, sans conteste, le chef Marco Balderi. Il sait exactement comment amener l’émotion à son comble et comment raconter une histoire. Les mises en scène de Robert Wilson, si elles sont belles esthétiquement, ne permettent pas toujours de cerner l’intrigue, il faut bien le reconnaître. Mais avec un tel conteur à la baguette, le problème ne se pose plus et les deux meneurs de jeu se mêlent parfaitement ensemble. La musique fuse de partout et le tempo très vif, adopté au début de l’opéra, contribue à souligner le côté pressé, et artificiel, du mariage qui va se dérouler. Le chef est d’une très grande sensibilité et il laisse la musique se développer avec élégance dans la montée pour l’hymne, par exemple, ou bien il donne des inflexions très narratives dans le début du deuxième acte quand Mme Butterfly écoute la lecture de la lettre de Pinkerton. Marco Balderi raconte aussi l’histoire en avance avec l’hymne américain quand il donne des couleurs assez tristes à ce passage, soulignant bien ainsi que Mme Butterfly n’a que peu d’espoirs à se faire. L’orchestre de l’Opéra de Paris n’a pas aussi bien sonné depuis longtemps et on se prend à redécouvrir l’oeuvre!



Une bien belle reprise qui, pour une fois, mêle des chanteurs confirmés qui viennent offrir une superbe représentation mais également des chanteurs en devenir dont une carrière plus que prometteuse s’ouvre devant eux.


Manon Ardouin

 

 

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