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Paris
Salle Gaveau
11/24/2005 -  
Gabriel Fauré : Masques et bergamasques, opus 112
Francis Poulenc : Concerto pour piano
Jean-Philippe Rameau : Naïs (suite)

Frank Braley (piano)
Orchestre de Paris, Frans Brüggen (direction)


Dans une saison fractionnée par un Ring désormais parvenu à mi-temps et par les conséquences de la fermeture de Pleyel, l’Orchestre de Paris, dans l’attente de terminer sa dernière année à Mogador, se replie à Gaveau: repli au sens propre du terme, compte tenu de ce que la salle de la rue La Boétie offre une scène plus exiguë, mais bénéficie d’une acoustique plus satisfaisante. Le spectateur ne s’en plaindra pas; quant aux interprètes, la moindre faiblesse ou imprécision de leur part ressort avec d’autant plus de netteté. Faisant donc de nécessité vertu, l’Orchestre de Paris propose, d’ici le 7décembre, trois astucieux programmes permettant, malgré des effectifs réduits, de confronter les esthétiques des XVIIIe (Bach, Rameau, Haydn, Mozart) et XXe siècles (Fauré, R. Strauss, Webern, Prokofiev, Poulenc).


Un peu chiche en minutage, le premier de ces programmes, pour lequel l’orchestre retrouvait Frans Brüggen, qui fut un temps (1998-2000) l’un des deux «chefs invités» chargés d’assurer l’intérim entre Bychkov et Eschenbach, démontrait ainsi comment Poulenc mais aussi Fauré se sont inscrits, chacun à leur manière, dans la continuité de l’ère des Lumières. On ne pouvait davantage être dans l’air du temps: non seulement les «correspondances» sont à la mode – tel pianiste associe ainsi Couperin et Ravel dans un même récital – mais les formations traditionnelles se réapproprient depuis quelques années un répertoire qui était devenu l’apanage des ensembles spécialisés.


Rarement jouées, les huit pièces regroupées par Fauré dans Masques et bergamasques (1919) survivent encore, amputées de leurs trois pages vocales et de la fameuse Pavane, à l’état de Suite. Jamais pris en défaut d’authenticité, Brüggen a rétabli la Pavane et réagencé l’ordre des quatre morceaux de cette Suite afin, selon le commentaire de Jacques Doucelin, «de revenir à la version originale» voulue par le compositeur. Quoi qu’il en soit, le chef néerlandais, dans cette musique qui tient souvent du pastiche, penche plutôt vers un Stravinsky décapant (Pulcinella) que vers un Chabrier ironique (Menuet pompeux): pas de minauderies faussement dix-huitiémistes, mais une direction dépouillée (Pastorale) et même drue (Gavotte).


Des Biches à Aubade en passant par le Concert champêtre, le catalogue de Poulenc se réfère souvent aux âges baroque et classique: rien de plus normal en plein néoclassicisme triomphant, même si le Concerto pour piano (1949), plus tardif, conserve le souvenir de ce style. Avec un adepte de la «ligne claire» tel que Frank Braley, la partition promettait d’être en de bonnes mains: de fait, l’entente entre les deux FB, «improbable» sur le papier de l’aveu même du pianiste, se révèle concluante, évitant toute complaisance ou facilité par une énergie et une verdeur qui renvoient aux années 1920. En bis, le Français choisit de rebondir sur le titre du Fauré donné en début de concert, avec le célèbre Clair de lune de la Suite bergamasque (1890) de Debussy.


Changement radical en seconde partie: pour de larges extraits de la pastorale héroïque Naïs (1748) de Rameau, l’Orchestre de Paris s’adjoint des partenaires inhabituels (clavecin, cornemuse), change de disposition (bassons et flûtes au premier plan à gauche, cordes graves au fond), voire d’instruments (trompettes, timbales), et, surtout, adapte ses modes de jeu. Les musiciens s’amusent visiblement, ce qui traduit une mue globalement réussie: on le doit également à un Brüggen que l’on sent ici incontestablement dans son élément (il a enregistré l’œuvre avec «son» Orchestre du XVIIIe siècle chez Glossa Music) et qui, tirant parti du «confort moderne» d’une formation symphonique, montre, dans une approche contrastée et tout sauf austère, que Rameau fut décidément l’un de nos premiers grands orchestrateurs.



Simon Corley

 

 

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