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Un vaillant Rinaldo!

Tourcoing
Théâtre Municipal
10/09/2005 -  et les 11* à Tourcoing et 15 octobre au Théâtre des Champs-Elysées
Georg Friedrich Haendel : Rinaldo
Philippe Jaroussky (Rinaldo), Ingrid Perruche (Almirena), Delphine Gillot (Armida), Dominique Visse (Goffredo), Nigel Smith (Argante), Thierry Grégoire (Eustazio)
La Grande Ecurie et la Chambre du Roy
Jean-Claude Malgoire (direction)

Cette saison Jean-Claude Malgoire est fêté à Tourcoing et à Paris et peut enfin profiter d’une reconnaissance amplement méritée. En effet cette année est marquée par le 25ème anniversaire de sa direction de l’Atelier Lyrique de Tourcoing et ses 50 ans de carrière. Ce chef, d’une grande discrétion, n’a jamais cessé de faire découvrir de nouvelles oeuvres, d’enrichir les discographies de Haendel et de Rameau et ce avec toujours un souci de profonde honnêteté musicale. Cette année est, pour lui, l’occasion de se repencher sur des oeuvres déjà abordées comme Rinaldo.



Jean-Claude Malgoire rassemble, pour cette version de concert, ses fidèles chanteurs découverts, pour la plupart, ces dernières années. Le rôle-titre est assuré par Philippe Jaroussky qui, fort de sa prise de rôle la saison dernière, campe un brillant Rinaldo. Cette tessiture permet au chanteur de montrer une autre facette de sa voix, plus sombre, et il dévoile des graves somptueux tout en conservant des aigus cristallins. Le fameux Cara sposa restera l’un des moments les plus émouvants de la soirée tant le contre-ténor parvient à trouver des accents touchants, sensibles et expressifs, grâce notamment à des crescendos et des decrescendos bien étudiés: il donne des sonorités très angoissantes aux différents “dove sei” et tient les notes longues en amenant peu à peu le vibrato. Le seul petit regret dans cet air provient de l’orchestre car Jean-Claude Malgoire adopte un tempo un peu trop rapide et surtout les instruments sonnent trop fort par rapport aux intentions du chanteur. On a souvent été déçu par un chant un peu froid et distancié de Philippe Jaroussky mais ici, peut-être grâce à sa pratique de la scène dans ce rôle, il est davantage engagé dans l’action et Rinaldo ressort bien comme un personnage. Il parvient à tirer des larmes à sa voix (et au public) dans son premier air “Ogn’indugio” tellement son interprétation est poignante.
Ingrid Perruche est une Almirena pleine de fougue et sa voix, assez sombrée et puissante, permet de dessiner une jeune fille un peu moins naïve et “oie blanche” que dans d’autres productions. Dans le premier air “Combatti da forte”, elle montre de belles résonances mais les vocalises se perdent un peu et ne sont pas toujours précises. En revanche elle retrouve toute la fraîcheur de sa voix dans le charmant air “Augelletti che cantate” où ses notes perlées se mêlent à la flûte remarquable et pleine d’humour et de pépiements d’Alexis Kossenko. Le fameux “lascio ch’io pianga” est chanté avec goût mais il manque un petit quelque chose pour qu’il soit vraiment émouvant.
Delphine Gillot est une chanteuse et une artiste plus qu’intéressante. Elle se jette corps et âme dans l’histoire, dans le personnage et fait ressortir sa détermination, sa tendresse et son désespoir. Son entrée en scène est des plus remarquées avec un “Furie terribili” pas forcément homogène vocalement mais d’une très grande intensité dramatique. La deuxième partie est bien meilleure avec un “ah! crudel” d’une douceur extrême: la chanteuse et les vents pleurent ensemble. Enfin elle donne toute la mesure de sa force d’interprétation dans le “vo far guerra” avec une accentuation des mots très explicite.
Dominique Visse reprend le rôle de Goffredo déjà abordé scéniquement à Munich. Il est toujours excellent, voire meilleur qu’en Allemagne, et ses interventions sont toujours un moment de réelle intensité et d’émotion. Le contre-ténor n’est pas seulement un chanteur, c’est aussi un acteur-né et il cherche dans les récitatifs le moindre détail qui pourrait étoffer son personnage: ainsi lorsqu’il pleure sa fille, il tire des accents très émouvants dans la phrase “lasciatemi solo”, avec une pureté de voix magnifique. Les airs qu’ils chantent sont essentiellement doux et il peut donc utiliser les couleurs les plus claires, les plus harmonieuses de sa voix. Il brosse le portrait d’un père tendre, désespéré. Les airs de Rinaldo lui incombent donc dans la seconde partie puisque Philippe Jaroussky déclare forfait: il les chante avec aplomb même si la tessiture du rôle-titre est différente de la sienne. Le premier air “E un incendio fra due venti” ne lui pose aucun problème en revanche le second fait appel à toute la puissance de sa voix et le triomphe qu’il reçoit à la fin n’est que justice par rapport à l’effort fourni et au résultat obtenu!
Nigel Smith est toujours excellent dans les rôles de méchant haendelien. Il met sa grosse voix au service des airs de bravoure comme “Sibillar gli angui d’Aletto” pour ensuite la laisser prendre toute sa douceur dans le duo d’amour avec Armida. Dans cet air, les vocalises sont parfaites et parlantes puisqu’il joue sur les nuances, les crescendos, etc… “Vieni, o cara” est chanté avec retenue, délicatesse et la lumière de ses aigus contraste avec la profondeur de ses graves. L’orchestre est particulièrement inspiré à ce moment car il enveloppe le chanteur et sa voix.
Thierry Grégoire, le seul à chanter sans partition, confirme la bonne impression laissée dans Agrippina l’année dernière. Sa voix de contre-ténor est riche, puissante et agile et il donne un vrai relief à son personnage un peu annexe à l’intrigue. Jean-Claude Malgoire lui donne d’ailleurs beaucoup d’airs à chanter et il les interprète avec sensibilité et musicalité. On retiendra surtout le dernier “Di Sion nell’alta sede”, distillé avec art.


Jean-Claude Malgoire livre un Haendel pur de toute complication musicologique, simple, sans beaucoup d’ornementations qui servent davantage à faire briller l’interprète qu’à servir le compositeur. Il joue cet opéra avec une sobriété remarquable mais également un sens du théâtre indéniable. Malgré le côté frustrant d’une version de concert, on ne s’ennuie pas une seule seconde et sa direction offre un dynamisme et un engagement marquants. Il faut souligner qu’il est secondé par des musiciens exceptionnels du premier violon Philippe Couvert qui emmène l’ensemble, mais qui déploie toutes ses qualités musicales dans le “venti turbini” de Rinaldo, aux violoncellistes dans l’air d’Eustazio “Sulla ruota di fortuna” qui donnent le rythme, en passant par les clavecinistes et le joueur de timbales, Guillaume Blaise, qui s’en donnent à coeur joie dans les scènes de bataille!



Cette version de concert de Rinaldo est un véritable bonheur musical tant les chanteurs, l’orchestre et le chef se surpassent pour rendre hommage à Haendel: certains confirment les espoirs placés en eux et d’autres sont de très bonnes (re)découvertes. Il ne reste plus qu’à souhaiter un très bon anniversaire à Jean-Claude Malgoire et à toute sa fidèle équipe: espérons qu’il continuera pendant de très longues années à nous enchanter ainsi et à avoir toujours autant d’enthousiasme à défendre de si belles oeuvres!




A noter:
- reprise de ce concert, le 22 juillet 2006 dans le cadre du festival du Lubéron les Taillades.
- la saison se poursuit à l’Atelier Lyrique de Tourcoing: Orfeo de Monteverdi les 7 et 8 janvier 2006 (au Théâtre des Champs-Elysées le 11 janvier), Alceste de Lully les 17 et 19 mars 2006 (au TCE le 22 mars), Les Indes Galantes de Rameau les 5 et 7 mai 2006 (au TCe le 10 mai).
- Jean-Claude Malgoire avait déjà enregistré en 1977 Rinaldo avec I. Cotrubas, A. Arapian, P. Esswood… chez Sony.


Manon Ardouin

 

 

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