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Signé Satie Paris Théâtre de la Gaîté Montparnasse 06/01/2005 - et du mardi au samedi (20 heures) et le dimanche (15 heures) Choses vues (à droite et à gauche et sans lunettes)
Jean-Paul Farré, Bernard Dhéran (comédiens), Michel Runtz (piano)
Jean-Luc Tardieu (conception, réalisation et mise en scène), Gaëlle de Malglaive (lumières)
Pour ces Choses vues, spectacle d’une heure et quart créé en 2004 au Festival de la correspondance de Grignan, Jean-Luc Tardieu a puisé dans les lettres et cartes postales d’Erik Satie, un ensemble hors pair dont la richesse et le ton, de l’humour à la grivoiserie, voire la scatologie, rappellent curieusement les écrits de Mozart. La sélection et le montage qu’il y a fort habilement opérés tracent, par petites touches, un portrait du compositeur: destinataires illustres (d’Indy, Dukas, …) ou proches (notamment Conrad, le frère, et Valentine Gross) sont ainsi pris à témoin de ses admirations (Picasso, Picabia, Milhaud), mais aussi, bien sûr, de ses détestations (les critiques Willy et Jean Poueigh), certains, à commencer par Cocteau, étant d’ailleurs passés fort rapidement d’un statut à l’autre.
Le dispositif est aussi simple qu’efficace: deux comédiens, qui disent ou lisent leur texte, et un pianiste évoluent, en costumes contemporains, dans une scénographie dépouillée (piano, tabourets hauts). Au fur et à mesure, les papiers jonchent le plateau, tandis que la signature de Satie est projetée sur le mur du fond.
A Jean-Paul Farré le soin d’incarner, avec son timbre narquois, persifleur et délibérément exaspérant, un Satie qui apparaît tour à tour provocateur, blessé et même poignant, particulièrement lorsqu’il évoque sa rupture avec Suzanne Valadon. Sans jamais se lancer dans le vain défi d’une imitation physique, il se livre en revanche à un travail psychologique particulièrement impressionnant, montrant un homme à la fois marginal et en quête de reconnaissance, qui trouve dans l’absurdité des mots un refuge face à la société et à l’adversité.
A Bernard Dhéran, qui agacera peut-être par son ton snob et pontifiant ainsi que par sa manière de faire semblant d’improviser, le soin de faire le lien entre ces lettres et d’en éclairer le contexte.
A Michel Runtz le soin d’offrir enchaînements et fond sonore, soit un petit quart d’heure de musique à base de pièces, extraits de pièces ou arrangements de pièces plus ou moins connues (Gymnopédies, Gnossiennes, Valses distinguées du précieux dégoûté, …), qu’il interprète de façon résolument expressive et personnelle. Etait-il pour autant nécessaire de commettre cette Trente-troisième gymnocratie, un quatre mains auquel Jean-Paul Farré prête son talent protéiforme? Si l’esprit de cette conclusion en forme de pirouette demeure bien celui de Satie, les gestes et mimiques auxquels ce morceau donne lieu dénotent quelque peu, quittant l’ironie pour le burlesque.
Site du Théâtre de la Gaîté Montparnasse Simon Corley
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