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Travail d’équipe Paris Théâtre des Champs-Elysées 06/07/2005 - et 9*, 11 et 12 juin (Paris) et 10, 12, 15, 17, 21 et 24 juillet (Aix-en-Provence) 2005 Benjamin Britten : The Turn of the screw, opus 54
Olivier Dumait (Le narrateur du prologue), Mireille Delunsch (La gouvernante), Adam Berman*/Ravi Shah (Miles), Fleur Todd*/Nazan Fikret (Flora), Hanna Schaer (Mrs Grose), Marlin Miller (Peter Quint), Marie McLaughlin (Miss Jessel)
Orchestre de chambre Mahler, Daniel Harding (direction musicale)
Luc Bondy (mise en scène), Richard Peduzzi (décors), Moidele Bickel (costumes), Dominique Bruguière (lumières)
Le Tour d’écrou (1954) de Britten revient pour quatre représentations au Théâtre des Champs-Elysées – où il a connu sa première française, sous la direction du compositeur, voici près de cinquante ans – dans une production du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence (en association avec les Wiener Festwochen) datant de juillet 2001. Le spectacle avait alors fait l’unanimité et seule une furieuse envie de se singulariser empêcherait de faire chorus aujourd’hui.
Aussi limpide qu’efficace, le dispositif scénique, organisé autour des colonnes et grands panneaux coulissants conçus par Richard Peduzzi, évoque avec sobriété et simplicité les différents lieux de l’action (nursery, hall ou lac) et les symboles de l’enfance (cheval à bascule, poupée). Il est éclairé, à tous les sens du terme, par le merveilleux jeu d’ombres et de lumières créé par Dominique Bruguière mais aussi par la direction d’acteurs vivante, subtilement en phase avec la musique, de Luc Bondy, qui affronte les tabous avec tact et finesse. Les costumes de Moidele Bickel situent le drame, conformément au livret, dans l’Angleterre victorienne, réservant la candeur aux deux orphelins.
La distribution qui avait triomphé à Aix il y a quatre ans a pu être intégralement réunie à nouveau. Vocalement impeccable, tout en ménageant ce que son personnage peut avoir de fragile, Mireille Delunsch incarne une gouvernante à la fois sérieuse et désemparée, à laquelle on ne pourra reprocher qu’un léger accent français. Puissante et engagée, Hanna Schaer se taille un succès mérité en Mrs Grose. L’Américain Marlin Miller s’impose de façon éclatante dans les différents registres du rôle de Peter Quint, conjuguant autorité, musicalité et sensualité. A ses côtés, Marie McLaughlin confère à Miss Jessel un caractère excessif, mélodramatique, ce qui n’est pas nécessairement un contresens. Depuis l’origine, c’est à dire depuis Peter Pears, la partie du narrateur, dans le prologue, est souvent tenue par le même ténor que celui qui chante Quint: tel n’était pas le cas ici, mais Olivier Dumait, lui aussi avec un léger accent, convainc pleinement. Les enfants, issus du Peter Kay children’s choir, aux timbres à la fois verts et purs, sont remarquablement crédibles.
Dans la fosse, l’Orchestre de chambre Mahler se fait indispensable sans être pour autant envahissant: sous la direction dense et inspirée de Daniel Harding, les treize musiciens, alertes et incisifs, jouent à la fois de la séduction et de la tension. Avec une transparence et un sens des nuances aussi développés, jamais Britten n’a paru si proche de Ravel, lui aussi particulièrement sensible à l’univers de l’enfance.
Cette superbe production, dont tous les composants forment un ensemble homogène et cohérent traduisant un beau travail collectif, sera présentée à six reprises dès le mois prochain à Aix (Théâtre du Jeu de Paume), dans la même distribution, l’Orchestre de chambre de la Monnaie et Kazushi Ono succédant toutefois à l’Orchestre de chambre Mahler et Daniel Harding. Ceux qui n’auront pas la chance d’y assister pourront cependant se consoler avec la récente parution en DVD, chez Bel air classiques (Harmonia Mundi), de la captation réalisée en 2001 par Vincent Bataillon.
Simon Corley
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