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L’ivresse du clavier Paris Théâtre des Bouffes du Nord 05/30/2005 - Carl Maria von Weber : Sonate n° 2, opus 39
Karlheinz Stockhausen : Klavierstücke V et VII
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 6 «Pastorale», opus 68 (arrangement Franz Liszt)
Jean-François Heisser (piano)
Quel autre fil conducteur, pour ce récital à la fois généreux, ambitieux et original, qu’une sorte d’ivresse du clavier, sorte d’intoxication et de prolifération de notes au-delà du raisonnable, au-delà même de la virtuosité?
Peu jouées, les sonates de Weber le sont sans doute notamment en raison de leur difficulté d’exécution, avec une main droite qui se grise sans cesse de traits volubiles. Pour être brillante, la Deuxième (1816) débute et s’achève cependant dans la nuance piano, évoquant tour à tour Beethoven ou Schubert, et annonçant même parfois Mendelssohn, Chopin ou Liszt. Heisser s’attache à faire ressortir le caractère innovant des deux premiers mouvements, conflictuels, de caractère orchestral, tandis que l’on retrouve dans les deux derniers, moins développés, le charme et à la légèreté que l’on associe d’habitude à Weber.
Enchaîner sur le Klavierstück V (1954) et le Klavierstück VII (1955) de Stockhausen relève en apparence du clin d’œil ou de la provocation: c’est pourtant une façon assez comparable de «dévorer l’ivoire» qui est ici à l’œuvre, dans le rapport ludique, physique et sensuel que le pianiste, particulièrement attentif à la diversité des attaques, entretient avec son clavier.
Les transcriptions réalisées par Liszt des symphonies de Beethoven sont d’une exigence telle que fort peu se risquent à les donner en public. Cela étant, il en existe quand même plusieurs enregistrements: Heisser n’était pas de l’aventure qui, voici près de vingt ans, avait réuni chez Harmonia mundi, une poignée de jeunes artistes français (ainsi que Badura-Skoda) pour une intégrale de ces transcriptions (c’est à Michel Dalberto qu’était alors échue la Pastorale). Dans cette Sixième symphonie (1808), il prend non seulement le pari de ne pas tricher sur les tempi (et de jouer toutes les reprises), mais, nonobstant son expérience de directeur artistique de l’Orchestre Poitou-Charentes depuis 2000, il ne cherche pas à imiter les sonorités instrumentales, retenant bien au contraire une approche résolument pianistique du travail de Liszt. Spectaculaire, n’évitant pas toujours les embardées – mais qui pourrait le lui reprocher? – l’interprétation n’en est pas moins soigneusement construite et merveilleusement phrasée, notamment dans une Scène au ruisseau qui conjugue clarté de la polyphonie et régal des sonorités.
Après un tel exploit, il conclut, comme si de rien n’était, par deux bis: la première des onze Bagatelles de l’opus 119 (1822) de Beethoven, puis le Sixième des Cançons i danses du trop rare Mompou.
Simon Corley
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