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Création mondiale à Genève

Geneva
Grand Théâtre
05/06/2005 -  et les 8, 9, 12, 13 et 15 mai 2005

Frank Martin: Der Cornet

Xavier Dayer: Mémoires d’une jeune fille triste


Monica Groop (alto solo, Der Cornet); Joan Rodgers (La Jeune Fille, Mémoires d’une jeune fille triste)

Chœur du Grand Théâtre (Ching-Lien Wu, prépration), Orchestre de la Suisse Romande, Patrick Davin (direction musicale), Nicolas Brieger (mise en scène)


Deux compositeurs suisses, genevois même, sont au programme du Grand Théâtre dans la même soirée: l’événement est suffisamment rare pour qu’il mérite d’être salué, d’autant qu’il se double d’une création mondiale. Der Cornet de Frank Martin est présenté en première partie. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un opéra mais d’une suite de mélodies pour mezzosoprano et orchestre de chambre basées sur un recueil de poèmes de Rainer Maria Rilke, Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke (La Chanson d’amour et de mort du cornette Christoph Rilke, 1899). Cette œuvre, peu connue du public francophone, raconte l’histoire d’un jeune aristocrate, ancêtre supposé de l’écrivain, porte-étendard (cornette) pendant la guerre qui oppose l’empire austro-hongrois aux Turcs, au XVIIe siècle. Le jeune homme erre dans la nuit, connaît l’amour dans les bras d’une comtesse, puis la mort au réveil, lors d’une attaque de l’ennemi. A l’instar du texte de Rilke, la musique de Frank Martin (1945) n’est pas narrative mais allusive: elle suggère le sort implacable du soldat, en un crescendo saisissant jusqu’à la scène finale, la marche du destin alternant avec des chansons populaires et militaires. L’unique soliste, Monica Groop, apparaît sur scène élégamment vêtue d’une robe rouge, portant un sac à main et lisant un livre. S’agit-il de la comtesse du texte ou d’une simple observatrice, extérieure à l’action? Quoi qu’il en soit, la chanteuse est impressionnante de présence et d’expressivité, avec de surcroît une diction impeccable, rendant le texte parfaitement compréhensible de bout en bout. Derrière une immense paroi vitrée défilent des silhouettes et des ombres de soldats, sortes de tableaux discontinus dépeignant avec force la détresse de la vie militaire. Les éclairages sombres de Konrad Lindenberg renforcent de manière suggestive le côté lugubre des nuits guerrières. Globalement donc une réussite, tant l’atmosphère douloureuse de cette guerre nocturne est admirablement rendue, aussi bien par la musique que par la mise en scène.


La deuxième partie de la soirée n’atteindra malheureusement pas les mêmes sommets. Les Mémoires d’une jeune fille triste, de Xavier Dayer, sont une commande du Grand Théâtre de Genève, dont le directeur, Jean-Marie Blanchard, vient d’annoncer qu’il compte mettre une création à l’affiche de chaque saison. Le compositeur, né en 1972, s’est formé à Genève puis à Paris et a déjà écrit de nombreuses œuvres. Passionné par la voix, il a composé son premier opéra, Le Marin, en 1999, une partition basée sur une pièce de Fernando Pessoa. Le roman qui a inspiré son deuxième ouvrage lyrique est un autre classique de la littérature portugaise, Menina e Moça, de Bernardim Ribeiro (1555). Le compositeur en a lui-même effectué l’adaptation afin d’en tirer un opéra revêtant la forme d’un monologue pour un seul personnage avec octuor vocal. Une jeune fille profondément triste se souvient de son exil dans un pays sauvage, où une vieille femme lui raconte trois histoires d’amour tragiques, comme autant d’échos de sa propre vie. Plutôt que de narrer une intrigue, la partition de Xavier Dayer décrit l’évolution intérieure du personnage, sans aucun ressort dramatique ni théâtral, à l’aide d’une musique subtilement nuancée, raffinée et fort poétique. Le plateau s’est transformé en immense bibliothèque remplie de livres blancs (décors de Raimund Bauer). Les récits de la jeune fille sont illustrés par de grandes et belles marionnettes articulées par des figurants vêtus de noir. Le seul, mais gros bémol, tient au fait que non seulement la diction de Joan Rodgers mais aussi la tessiture utilisée et la superposition des différentes lignes musicales (soliste, octuor, orchestre) rendent le texte totalement inintelligible, d’autant que les surtitres sont absents. Et d’ailleurs, une grande partie du public a quitté le théâtre, à la fin du spectacle, profondément désemparée. Mais pourquoi donc avoir voulu composer une œuvre qui ne sera comprise que par un petit nombre d’initiés?




Claudio Poloni

 

 

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