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Formation professionnelle Paris Suresnes (Théâtre Jean Vilar) 04/16/2005 - et 8 (Saintes), 10 (Paris), 17 et 19 (Suresnes) avril 2005 Joseph Haydn : L’Isola disabitata
Diana Axentii/Yun Jung Choi (Costanza), Marie-Bénédicte Souquet/Hye-Youn Lee (Silvia), Ivan Geissler/Bartlomiej Misiuda (Enrico), Xavier Mas/Jason S. Bridges (Gernando)
Jeune orchestre Atlantique, Jeanne Lamon (direction musicale)
Dominique Pitoiset et Stephen Taylor (mise en scène), Michel Ronvaux (costumes), Christophe Pitoiset (lumières)
Un opéra dans lequel une certaine Constance retrouve l’homme qu’elle aime, enlevé par des pirates? L’Enlèvement au sérail, bien sûr! Mais aussi, trois ans plus tôt, L’Isola disabitata (1779) de Haydn, choisi conjointement par l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris et par le Jeune orchestre Atlantique, en coproduction avec le Théâtre Jean Vilar (Suresnes), l’Opéra de Rennes et l’Abbaye aux Dames (Saintes), afin de mettre en valeur les prouesses respectives de ces deux pépinières de talents.
Choix opportun, tant cette «action théâtrale» en deux parties sur un livret de Métastase reste tout aussi rare, malgré sa modestie (quatre-vingt-cinq minutes, quatre solistes, une formation de chambre), qu’originale, avec une ouverture étonnamment développée et, surtout, une forme où les airs (au nombre de six) sont reliés entre eux par des récitatifs accompagnés, certains instruments (violon, violoncelle, flûte, basson) se détachant même parfois de l’orchestre, notamment dans l’unique ensemble conclusif.
Dans la luminosité du sable blanc qui recouvre le plateau, Dominique Pitoiset et Stephen Taylor ont opté pour une mise en scène à la fois fraîche et au second degré, suivant de près les inflexions du texte ou de la musique et raillant gentiment les invraisemblances de l’intrigue ainsi que la figure obligée de l’île déserte: clins d’œil et anachronismes culminent dans le final avec une plage très Club Med.
Articulation claire, justesse irréprochable, émission stable, timbre rond, puissance contrôlée, Diana Axentii (Costanza) en perdrait presque en naturel. Favorisée par le caractère plus actif de Silvia, qui est à sa sœur Costanza ce que Dorabella est à Fiordiligi, Marie-Bénédicte Souquet, vive et piquante, démontre un indéniable charisme, peut-être au détriment de la précision du chant, même s’il est vrai que la tessiture de son rôle est particulièrement étendue. Nuancé au point de ne toujours passer un orchestre à l’effectif pourtant réduit (une flûte, hautbois, bassons et cors par deux, timbales, vingt cordes), Ivan Geissler (Enrico) se distingue cependant par une belle voix de baryton élevé, mais aussi par son élégance et la qualité de sa diction. Xavier Mas (Gernando) convainc par de superbes phrasés, un legato très séduisant et les chaudes couleurs de son registre grave.
Comme il n’y a pas de raison que la seconde distribution ne soit pas de même niveau, l’Atelier lyrique, dirigé depuis septembre dernier par Christian Schirm, a donc effectué ici un remarquable travail. Force est de constater en revanche que les musiciens du Jeune orchestre Atlantique ne boxent hélas pas dans la même catégorie: incapacité à suivre les chanteurs, cordes peu homogènes, cors aux attaques imprécises, seul le flûtiste tirant son épingle du jeu. Cela étant, Jeanne Lamon, avec un sens dramatique indéniable, parvient heureusement à animer les longues et versatiles séquences de récitatif accompagné.
Simon Corley
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