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Un Bach bien tempéré

Paris
Théâtre du Châtelet
04/11/2005 -  
Johann Sebastian Bach : Le Clavier bien tempéré (Livre premier), BWV 846 à 869

Daniel Barenboïm (piano)


Le Clavier bien tempéré a-t-il sa place dans la prestigieuse série Piano ****? La question ne se pose évidemment pas quant au choix de l’instrument, légitimé, s’il en était besoin, de Fischer à Gould en passant par Tureck, Richter, Nikolaïeva ou Gulda, mais plutôt en termes d’adéquation de cette succession de préludes et fugues avec l’exercice du récital. Daniel Barenboïm, qui est sans doute l’un des rares à pouvoir remplir le Châtelet (et à y attirer Pierre Boulez) avec un tel programme, s’est ainsi trouvé confronté, entre amusement et agacement, aux difficultés qu’une partie du public éprouve visiblement ne serait-ce qu’à respecter un artiste livré à un si redoutable défi (deux heures et vingt minutes de musique): toux intempestives, velléités d’applaudissements, retardataires (jusqu’à plus de cinquante minutes après le début du concert)… et quelques sièges vides en seconde partie, d’ailleurs curieusement donnée toutes lumières allumées, ce qui ne favorise certes pas la concentration.


Pourtant, dans le Premier livre (1722), qu’il a enregistré pour Warner en décembre 2003, Barenboïm, tire parti des ressources de dynamique et de couleur du piano moderne, alternant basses grondantes et attaques impalpables, et ne ménage pas sa peine pour offrir un riche kaléidoscope de sonorités et d’émotions. S’il conserve la partition sous les yeux, c’est pour mieux y imprimer, dans des tempi souvent retenus, des phrasés et une articulation très personnels, cette liberté trouvant sans doute plus facilement à s’employer dans les préludes que dans les fugues. On l’attendait peut-être plus romantique et débridé ou, c’est selon, on le craignait peut-être moins spirituel et introspectif, mais le pianiste aura frappé par sa capacité à faire parler le texte au maximum tout en évitant de verser dans l’anecdotique ou le décoratif, ni même dans la recherche ou la sophistication. Narratif et orchestral – mais faut-il s’en étonner? – son Bach, malgré quelques ralentis grandiloquents, n’en demeure pas moins globalement bien tempéré.


L’immense diversité des préludes lui convient tout particulièrement, depuis la joie simple et fraîche (prélude en fa majeur) jusqu’à l’intériorité la plus profonde (prélude en mi bémol majeur ou prélude en mi bémol mineur, ce dernier dans l’esprit des dernières sonates de Beethoven). Même si l’interprétation n’est nullement animée par le seul souci de produire du beau son, et ce en dépit de rares coquetteries (prélude en mi majeur), il est impossible de ne pas rester confondu par l’agilité du pianiste (prélude en si bémol majeur) ou par sa manière, dans l’ultime prélude (si mineur), de mettre les nuances de toucher au service de la polyphonie, suggérant la scène des hommes d’armes de La Flûte enchantée.


Les fugues semblent parfois plus contraintes: si les grandes architectures (fugue en ut dièse mineur) sont superbement mises en valeur, certaines entrées, notamment dans les fugues en sol majeur et en si bémol mineur, paraissent excessivement accentuées, voire martelées. Cela étant, Barenboïm parvient aussi à varier les climats, intimidant (fugue en sol dièse mineur) ou consolateur (fugue en si mineur, d’une démesure quasi franckiste), démontrant également une magnifique élévation de pensée (fugue en fa dièse mineur).


Proposé dans le même cadre le 19 janvier prochain, le Second livre méritera donc sans nul doute le déplacement.



Simon Corley

 

 

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