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Kurt Masur ou la tradition bien tempérée

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/24/2005 -  et le 26 mars 2005
Jean-Sébastien Bach : Passion selon saint Matthieu
Ruth Ziesak (soprano), Anna Larsson (alto), Christoph Genz (Evangéliste), Kurt Streit (ténor), Oliver Widmer (Jésus), Franz Hawlata (basse). Choeur et Maîtrise de Radio France, dir. Kurt Masur.

Quand on a pendant si longtemps officié au Gewandhaus et qu’on a recueilli l’héritage de Mendelssohn, on entretient avec Bach des affinités électives. Bref, Kurt Masur dirigeant la Passion selon saint Matthieu est chez lui. Pas boulevard des baroqueux, évidemment : avenue de la tradition. Et il assume, avec cette humilité recueillie qui, face au chef-d’œuvre de Bach, gagne les plus grands, jusqu’au plus narcissiques : même un Karajan se faisait ici tout petit. Kurt Masur a-t-il déterré la hache de guerre de l’authenticité ? En aucun cas : il y a de la place pour tous dans la maison de Bach. Pourquoi prendrait-on plus - ou moins - de plaisir à écouter les uns que les autres ? Mieux vaut en tout cas une bonne interprétation romantique qu’une mauvaise interprétation à l’ancienne, comme l’a montré le chef du National à la tête d’un orchestre et d’un chœur superbement préparés – Chœur de Radio France pour les ténors et les basses, Maîtrise de Radio France pour les sopranos, les altos et le chœur d’enfants. Fidèle à ses options, Kurt Masur dirige tout, osant des legatos à faire frémir les gardiens du temple, auxquels l’onctuosité des cordes a dû porter le coup de grâce. Mais il le fait avec sobriété, n’étirant jamais les tempos, évitant tout pathos dans une émotion qui ne cesse de grandir pour culminer dans la seconde partie, avec un chœur final brûlant de ferveur. On regrette d’autant plus qu’il n’ait pas disposé d’un Evangéliste et d’un Jésus dignes de lui. Christoph Genz croit à tort compenser ses limites vocales – l’aigu trop ouvert est sans cesse au bord de la rupture – par une affectation qui ne peut masquer une incapacité à phraser le texte, tandis que le Jésus brut de décoffrage d’Oliver Widmer manque totalement d’aura. Les solistes, heureusement, nous réservent des moments plus heureux, sans jamais succomber, à l’instar du chef, à la tentation de l’opéra. Si Kurt Streit reste sonore et plutôt carré, Franz Hawlata est magnifique de noblesse et d’intériorité, aussi ému qu’émouvant dans « Mache dich, mein Herze, rein ». Ruth Ziesak ne touche pas terre, avec un « Aus Liebe will mein Heiland sterben» comme suspendu dans les limbes, le contralto chaleureux et magnifiquement stylé d’Anna Larsson exprimant toute la douleur du croyant dans un « Können Tränen meiner Wangen » quasi d’anthologie.


Didier van Moere

 

 

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