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Des maîtres innocentés

Berlin
Staatsoper Unter den Linden
04/27/2000 -  
Richard Wagner : Les maîtres-chanteurs de Nuremberg
Robert Holl (Sachs), Francisco Araiza (Walther), Carola Höhn (Eva), Andreas Schmidt (Beckmesser), Mathias Zacháriassen (David), Andrea Böhnig (Magdalene), René Pape (Pogner), Raimo Laukka (Kothner), Daniel Borowski (Veilleur de nuit), Eberhard Büchner, Roman Trekel, Hanno-Müller Brachmann, Helmut Henschel, Peter Menzel, Klaus Häger et Bernd Zettisch (Maîtres-chanteurs)
Harry Kupfer (mise en scène), Hans Schavernoch (décors), Buki Schiff (costumes), Franz Peter David (lumières)
Staatskapelle Berlin, Staatsopernchor, Sebastian Weigle (direction)

Plus que tous les opéras de Wagner, les Maîtres-chanteurs ont longtemps souffert de leurs interprétations nationalistes données par les pangermanistes et par les nazis. On sait que Göbbels en avait fait l’hymne de ce qu’il appelait la " révolution populaire " de janvier 1933, que l’oeuvre, donnée en programmation unique au " Kriegfestspiel " de Bayreuth en 1943 et 1944, accompagna le régime jusqu’au bout. Et la présence de Nürnberg, ville du congrès de 1935, peut encore aujourd’hui difficilement faire passer la pilule " deutsch und echt " prononcée par Sachs dans son exorde de l’acte III. Propos que Harry Kupfer choisit cependant de prendre à la lettre, souhaitant " innocenter " l’oeuvre en lui restituant son caractère spécifiquement allemand, voire bavarois. Et l’on peut lui en savoir gré, car cette mise en scène, tournant le dos au style abstrait et géométrique qui caractérisait par exemple son Ring de Bayreuth, rend totalement justice à la gaieté, à l’harmonie, et surtout au profond pacifisme de cet opéra. Dépouillé dans les deux premiers actes, autour d’un bel assemblage gothique représentant tour à tour au gré des éclairages le jubé de l’Église Sainte-Catherine et l’atelier de Sachs, le plateau devient plus baroque au troisième acte, notamment dans la " Nürnberg-parade ", qui donne lieu à des numéro de carnaval très originaux et où la foule se libèrent avec franchise, paradoxalement sans aucune lourdeur.

Sebastian Weigle prend lui aussi le parti d’une lecture " légère " de l’oeuvre, mettant l’accent sur les vents et les percussions, peut-être un peu au détriment du moelleux des cordes. Il choisit aussi des tempi particulièrement allants : au bout du compte, ce spectacle n’aura duré en temps effectif que 4h45, presque un record ! Cependant ces options entraînent parfois des problèmes d’équilibre, notamment dans l’ouverture conduite de manière un peu desordonnée. Le petit prélude au troisième acte est rendu en revanche avec beaucoup de finesse et les scènes finales, si difficiles à mettre en place dans cet opéra (en particulier la bagarre générale), sont également très bien menées.

Pour cette représentation, Robert Holl avait dû remplacer au pied levé le très attendu Falk Struckmann, lequel était importuné par les 30 degrés Celsius qui règnent actuellement sur Berlin, et qu’accompagne une épidémie de rhume de foin. Mais Holl n’en est certes pas à son premier Hans Sachs et sa voix, gigantesque, impressionne dès les premières mesures du premier acte où il apparaît mélangé aux autres maîtres-chanteurs. C’est d’ailleurs dans les morceaux d’ensemble qu’il sera le plus à son avantage, en particulier dans les scènes avec Eva où l’intime souffrance du personnage est rendue de manière remarquable. En revanche il déçoit un peu dans les deux monologues, manquant d’expression et de couleurs, curieusement en retrait face à un orchestre il est vrai peut-être brusquement trop généreux.

Très bien conservé, aussi bien physiquement que vocalement, Francisco Araiza arbore les mêmes bottines de cuir noir à revers bruns que lors de ses grands débuts mozartiens à Munich, il y a une vingtaine d’années. Son Walther est proche de l’idéal, ce rôle lyrique et assez haut-perché convenant d’ailleurs mieux aux ténors de son espèce qu’à un Tristan ou un Tannhäuser. Il craque bien quelques aigus au cours de la cinq ou sixième répétition de son air de concours, mais ce sera pour mieux se rattraper dans la version finale !

La distribution féminine se situe un peu en dessous de la moyenne. L’intelligence dramatique de Carola Höhn n’est plus à prouver, mais sa voix semble fatiguée en cette fin de saison, et un peu juste pour Eva. Cette " soprane à tout faire " de la troupe du Staatsoper devrait peut-être songer à ménager son calendrier. Malgré de réelles qualités de timbre, la Magdelene d’Andrea Böhnig fait souffrir nos oreilles tout aussi réellement, tant pour son allemand incompréhensible que pour son intonation défaillante.

Dans les rôles comiques, Mathias Zacháriassen campe un David très bien timbré et intelligent, volant presque la vedette à Araiza dans le dialogue du premier acte. Ces mêmes remarques valent pour Andreas Schmidt qui, à contre-emploi, donne chair et nuances à Beckmesser, pourtant un des personnages les plus ingrats qui soient en particulier sur le plan musical. Le reste de la distribution, choeurs comme solistes, mérite tous les éloges, et montre surtout un grand plaisir à travailler ensemble. Mentions spéciales au " Konzertchor " du deuxième acte, et Pape en Pogner pour son élégance vocale et son allemand irréprochable, sans conteste le chanteur le plus distingué du spectacle.



Thomas Simon

 

 

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