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La folle journée de Don Giovanni

Paris
Cité de la musique
03/04/2005 -  et 6* mars 2005
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Nicolas Cavallier (Don Giovanni), Pierre-Yves Pruvot (Leporello), Fernand Bernadi (Le Commandeur), Sophie Fournier (Donna Elvira), Caroline Mutel (Donna Anna), Cyril Auvity (Don Ottavio), Marie Lenormand (Zerlina), Arnaud Marzorati (Masetto)
Sébastien d’Hérin (chef de chant et pianoforte), La Chambre Philharmonique, Emmanuel Krivine (direction)
Rita de Letteriis (mise en espace)


Elément central d’un triptyque de manifestations sur le thème «Martyrs et héros» présenté par la Cité de la musique, les deux représentations de Don Giovanni ont fait salle comble, les spectateurs ayant occupé jusqu’à la moindre marche du premier balcon. Et pourtant, il s’agissait seulement d’une version de concert, certes agrémentée d’une «mise en espace» due à Rita de Letteriis, nouvelle preuve, s’il en était besoin, de la fascination que le mythe de Don Juan et le chef-d’œuvre de Mozart continuent d’exercer sur le public.


Compte tenu des contraintes et avec un minimum d’accessoires – hormis quelques chaises modernes identiques à celles réservées à l’orchestre, une partition tient lieu de catalogue au premier acte, tandis que des écharpes figurent l’échange des vêtements au second acte – la scénographe italienne se sort plutôt bien de l’exercice, permettant aux personnages de ne pas rester totalement figés et de s’épanouir plus aisément en joignant le geste au chant. Le plateau ayant été éventré afin d’y loger la fosse, les chanteurs, peuvent se mouvoir tout autour d’autant plus librement qu’ils connaissent leur rôle par cœur. Cela étant, ils sont généralement placés à l’arrière plan, c’est à dire en face du chef, plutôt qu’à l’avant. La tâche du Commandeur – qui, après avoir été occis, reste assis et immobile, sur le côté, jusqu’à la fin de la troisième scène du premier acte – n’est certes pas facilitée, mais l’humour du livret est souvent mis en valeur : Leporello, faisant mine d’imiter son maître qui accorde sa «protection» à Zerlina, se glisse ainsi parmi les seconds violons pour aller folâtrer avec une musicienne. Si le joueur de mandoline a droit aux honneurs de la scène, les petits ensembles de musique à danser (au premier acte) ou de musique de table (au second acte) restent en revanche dans l’ombre.


De façon plus surprenante, quelques aménagements musicaux ont également été consentis: si quasiment aucun récitatif ne manque à l’appel, l’air Il mio tesoro de Don Ottavio (à l’acte II) est inexplicablement sacrifié. En outre, comme la production a choisi de ne pas recourir à des choristes, ses deux premières interventions (au premier acte) sont tenues par quatre des solistes, tandis que c’est le Commandeur qui tente d’incarner seul, à la fin du second acte, le chœur infernal.


A la tête de «sa» Chambre philharmonique, Emmanuel Krivine prend le parti d’une lecture très rythmée, rapide (deux heures et trente-cinq minutes), où les numéros s’enchaînent presque sans interruption, mais, particulièrement dans les ensembles, c’est davantage aux Noces de Figaro que l’on songe: une «folle journée» qui traduirait la course effrénée du dissoluto punito vers son «festin de pierre». Astringents sans excès, malgré la battue toujours aussi cinglante de leur chef, les instrumentistes savent également faire preuve de fraîcheur ou de transparence, le fruité des sonorités des bois seyant idéalement à la musique du dîner. Le continuo est assuré de façon vivante et ornementée par un pianoforte – et Sébastien d’Hérin, par ailleurs chef de chant – ainsi que par un violoncelliste du rang.


Les huit rôles, tous confiés à des Français, sont excellemment distribués, à chacun d’entre eux correspondant une voix qui, sans être nécessairement parfaite, ne s’en révèle pas moins idoine. Nicolas Cavallier, dans celui du… cavaliere, à la fois enjôleur, insaisissable, arrogant et cynique, incarne un Don Juan tout à fait crédible et convaincant. Tout aussi à l’aise, le Leporello de Pierre-Yves Pruvot s’impose autant par son talent de comédien que par ses qualités vocales.


En Donna Elvira, Sophie Fournier ne contrôle pas toujours des moyens impressionnants, entre des tons parfois acides et un style qui serait mieux en situation dans un répertoire plus romantique, ce que l’on pourra mettre sur le compte de l’énergie avec laquelle elle se lance dans ses imprécations. Avec tout autant de tempérament et de puissance mais un timbre plus rond et moins affecté par le vibrato, Caroline Mutel, en Donna Anna altière et presque distante, trouve un équilibre plus satisfaisant, même si elle trébuche quelque peu dans les vocalises de son air de l’acte II (Non mi dir).


Face à ces deux personnalités, Cyril Auvity, léger et délicat, ne fera pas sortir Don Ottavio de sa réputation de caractère falot, mais avec un phrasé d’une telle pureté et d’une telle tenue, on regrette décidément que son second air ait été escamoté. Aux côtés d’Arnaud Marzorati, qui campe un Masetto plus subtil qu’à l’ordinaire, Marie Lenormand se montre sagement délurée et musicalement impeccable en Zerlina. Il faudra sans doute suivre attentivement cette jeune mezzo qui vit aux Etats-Unis, mais qui sera Rosine du Barbier de Séville dès le mois de mai prochain à Bordeaux.



Simon Corley

 

 

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