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Pierre-Laurent Aimard en liberté Baden-Baden Festspielhaus 12/17/2004 - Ludwig van Beethoven : Leonore 1. 2e Concerto pour piano
Igor Stravinsky : Movements. L'Oiseau de feu, suite Pierre-Laurent Aimard (piano), Orchestre du SWR de Baden-Baden et Freiburg, Sylvain Cambreling (direction) Programme intéressant, conforme à la tradition d’originalité cultivée par l’orchestre du SWR de Baden-Baden et Freiburg, mélange de raretés subtilement assorties que l’on s’ingénie à faire accepter sous couvert de la notoriété des compositeurs et du savoir-faire des interprètes. Et comme toujours c’est très réussi. Y compris même pour les Movements pour piano et orchestre de Stravinsky, œuvre dodécaphonique un peu ennuyeuse que l’on peut juger oubliable, et qui pourtant acquiert un relief insoupçonné, admirablement défendue par Pierre-Laurent Aimard, dont on connaît les compétences étendues en matière de répertoire du XXe siècle, mais aussi par l’orchestre, qui maîtrise à la perfection cette écriture pour solistes instrumentaux, parvenant à rendre inspirées même les phrases en apparence dictées par la seule combinatoire d’un système que Stravinsky n’a jamais su complètement transcender.
Bien concentré et très professionnel face à la partition de Stravinsky, Pierre-Laurent Aimard se déboutonne davantage en première partie où il s’abandonne, sans lunettes , à un petit show dont le 2e Concerto pour piano de Beethoven fait les frais. A force de rendre cette musique galante, mignonnement accentuée à contretemps, pleine de délicieuses surprises miniatures, il n’en obtient plus grand chose si ce n’est l’impression d’une oeuvre mineure, qui trouve mal sa place entre Mozart, Hummel et le jeune Chopin. Tout cela est agréable, servi par un toucher d’une variété et d’une musicalité exceptionnelles, mais irrite en même temps par un refus de s’engager à fond dans la partition pour en extirper ce qu’elle peut offrir de vraiment marquant. Par rapport au récent CD enregistré avec Nikolaus Harnoncourt le résultat est plus probant (ne serait-ce qu’à cause de la pertinence du dialogue avec Sylvain Cambreling, plus conventionnel mais aussi beaucoup mieux en phase avec le style du pianiste, qui n’est pas celui d’un vrai militant de la cause baroqueuse), mais on reste quand même sur sa faim, surtout de la part d’un interprète aussi prodigieusement doué.
En début de soirée le choix de la modeste ouverture Leonore 1 paraît surtout justifié par sa rareté. Sylvain Cambreling en délivre une lecture scrupuleuse, un peu déstabilisée ici ou là par un souci de faire plus spontané, voire coloré de quelques détimbrages façon cordes baroques, gadgets sonores qui ne prouvent jamais leur utilité et ne font que perturber le jeu instrumental. Dans le Concerto le problème est le même, mis à part que la nécessité de s’effacer derrière le soliste fait vite mettre au placard ces clins d’oeil superflus, au profit d’une lecture efficace et bien en place.
La Suite de l’Oiseau de feu permet enfin de retrouver l’orchestre à son meilleur, d’un éclat dans les interventions des cuivres et d’une homogénéité d’ensemble qui autorise toutes les prises de risque, y compris de tirer l’œuvre vers l’épure, au détriment de ses aspects plus chorégraphiques. Vision convaincante néanmoins, voire brillante, menée à bon port par un Sylvain Cambreling toujours précis et qui ne laisse rien au hasard.
Tout cela écouté en fermant le plus possible les yeux, pour tenter d’échapper aux illuminations du mur derrière l’orchestre : nappes de couleur d’abord statiques pour Beethoven, puis qui s’animent pour Stravinsky de mouvements psychédéliques insupportables. Curieuse idée, que l’on doit sans doute au réalisateur qui immortalise le concert pour la télévision : les tutti en rouge, les moments d’apaisement en bleu, les transitions en fondu-enchaîné… le système devient vite exaspérant. Prière de ne surtout pas recommencer.
Laurent Barthel
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