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Album souvenir

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/27/2004 -  
Johann Strauss jr. : Die Fledermaus (ouverture)
Francis Poulenc : Concerto pour deux pianos (extrait)
Georges Prêtre : Les Pas d’chance – «Mon cœur s’est éveillé pour toi», extrait de «Pour toi»
Jean-Reynald Prêtre : Huit fois dix ans
George Gershwin : Un Américain à Paris
Richard Strauss : Der Rosenkavalier (Grande suite)
Giuseppe Verdi : «E strano» et «Parigi, o cara», extraits de «La Traviata»
Giacomo Puccini : Nessun dorma (extrait de «Turandot»)
Maurice Ravel : Boléro

Patricia Ciofi (soprano), Roberto Alagna (ténor), Patrick Bruel (chant), Roger Boutry, Gabriel Tacchino (piano)
Chœur de Radio France, Daniel Bargier (chef de chœur invité), Orchestre national de France, Georges Prêtre (direction)


De Milan à Toulouse, en passant par Rome, Venise et Salzbourg, où il a célébré son anniversaire le 14 août dernier, Georges Prêtre – et c’est justice – ne cesse d’être fêté pour ses «quatre fois vingt ans». Paris l’a déjà honoré (voir ici), dans cet Opéra Bastille que, au fil d’une carrière bien remplie, il avait inauguré en 1989, mais un autre hommage l’attendait encore dans la capitale: car s’il ne s’est jamais réellement attaché à une formation, il a toujours entretenu une relation spéciale avec l’Orchestre national de France, avec lequel il collabore depuis 1960, ayant notamment donné avec lui la première française de Chronochromie de Messiaen.


Tous les ingrédients d’une «soirée de gala» étaient réunis: gardes républicains venus rendre les honneurs, programme bariolé assorti de ses surprises de rigueur, solistes prestigieux et affluence des grands jours, associant gratin musical, mondains et mélomanes. Le choix des œuvres opéré par le héros de la soirée introduisait en outre un élément plus personnel, composant une sorte de recueil de souvenirs. Précis, sobre, fin et drôle, Gérard Courchelle en assura parfaitement la présentation: dommage qu’un lapsus aussi cocasse que malheureux lui ait fait traduire le nouveau slogan de France Musiques («Prima la musica») par «D’abord les paroles»...


L’ouverture de La Chauve-souris (1874) de Johann Strauss évoquait Vienne, où Prêtre s’est souvent produit à la tête des Symphoniker et où il vient d’être nommé membre d’honneur de la Société des amis de la musique. De même, il était impossible de ne pas rappeler le lien privilégié avec Francis Poulenc, au travers de son Concerto pour deux pianos, dont – inconvénient inhérent à ce type de célébrations – on n’entendra toutefois que le Larghetto central, Prêtre retrouvant ici deux de ses complices, Gabriel Tacchino et Roger Boutry.


Sous le nom de Georges Dhérain (patronyme de sa mère), il a dirigé des opérettes et en a même composé: c’est cet aspect de sa personnalité que trois curiosités visaient ensuite à mieux cerner. Sur des paroles de sa fille Isabelle, il a ainsi écrit une chanson en hommage à Coluche et à ses Restaurants du cœur, auxquels les bénéfices du concert, qui se déroulait en présence de Véronique Colucci, seront reversés: Les Pas d’chance, confiée à un duo aussi sympathique qu’improbable (Roberto Alagna et Patrick Bruel, casquette vissée sur le crâne) ainsi qu’au Chœur de Radio France, contraste, par son style léger et suranné, avec un texte qui évoque la dure réalité des sans-abri. Elle n’en sera pas moins bissée, les deux chanteurs parvenant même, à l’instar du chœur avant le premier couplet, à faire siffloter le public.


Alagna aborde avec un premier degré réjouissant un air («Mon cœur s’est éveillé pour toi») extrait de Pour toi (1951), une opérette pur fruit (et surtout) pur sucre qui ne renonce pas pour autant à toute subtilité de coloris et d’harmonie. Avec Huit fois dix ans, mis en musique par son frère Jean-Reynald, Isabelle Prêtre brosse un tableau naïf et sans nul doute affectueux de leur père, mais on a presque l’impression de se trouver étranger à une réunion de famille ou même d’entrer par effraction dans l’intimité d’un foyer, Prêtre, «au courant depuis trois jours de cette surprise», préférant au demeurant laisser la baguette à Roger Boutry, tandis que Patrick Bruel alterne avec le chœur.


Coup de chapeau au succès d’un Français à New York, plus particulièrement au Met, Un Américain à Paris (1928) de Gershwin, qui mettait fin à la première partie, en aura sans doute constitué le point fort: se livrant à une véritable chorégraphie sur son podium, le chef emmène un National survolté, malgré des klaxons un temps récalcitrants, dans une promenade riche en poésie et en superbes sonorités, comme s’il interprétait du (Richard) Strauss. Fracassant, le dernier accord fait glisser d’un bon mètre les deux micros suspendus à un fil au dessus du parterre, qui ne prolongeront heureusement pas leur descente au-delà.


C’est précisément R. Strauss, dont Prêtre a créé Capriccio en France, qui ouvrait la seconde partie: il avait en effet sélectionné la Grande suite (1946) du Chevalier à la rose (1910), la plus longue des trois que le compositeur tira lui-même de sa «comédie en musique». Comme s’il voulait prolonger encore un peu plus le plaisir, il retient des tempi globalement lents, mais très instables, provoquant imprécisions et décalages chez les musiciens: difficile de croire que les mêmes venaient de régaler, juste avant l’entracte, le Théâtre des Champs-Elysées (et les auditeurs de France Musiques) d’un Gershwin d’anthologie.


Pour celui qui a tant travaillé à la Scala, Verdi s’imposait naturellement: tout juste sortie des représentations de La Traviata (1853) qui viennent de marquer la réouverture de la Fenice, Patricia Ciofi, avec des aigus fatigués et un vibrato envahissant, chante l’air de Violetta de la fin du premier acte puis, rejointe sur scène par Alagna, le duo «Parigi, o cara» du troisième acte.


Même si l’on a appris à ne pas considérer Prêtre exclusivement comme le «chef de Poulenc et de la Callas», la mémoire de la cantatrice se devait évidemment d’être saluée: plongée dans le noir, la salle se recueille pour écouter un enregistrement de «O mio babbino caro», extrait de Gianni Schicchi de Puccini, transition vers le «Nessun dorma», extrait de Turandot (1924), dans lequel Alagna se révèle plus solaire que jamais.


Conclure avec le Boléro (1928) est toujours payant, surtout lorsque l’on dispose de soli tous aussi impeccables, mais la conception de Prêtre – constante si l’on en juge par une précédente prestation, en février 2002, avec l’Orchestre du CNR de Paris (voir ici) – n’en déroute pas moins, avec des phrasés libres – pour ne pas dire flottants et irrespectueux de l’écriture légendairement méticuleuse de Ravel – dans la seconde section du thème (en ut mineur).


Les bis ne sortiront pas de l’ordinaire d’une soirée de gala: indolente et animée par un balancement irrégulier, la Barcarolle des Contes d’Hoffmann (1880) d’Offenbach, faisant intervenir le chœur, est suivie d’un admirable Galop infernal d’Orphée aux enfers (1858), tellement léger et pétillant que l’on en vient à regretter que le caractère communicatif de cette musique soit tel que les spectateurs, comme à Vienne un 1er janvier, frappent des mains en mesure sans même y avoir été invités.


Pas de champagne, mais un toast, et c’est Verdi qui aura le dernier mot, avec «Libiamo, libiamo», extrait du premier acte de La Traviata, où chacun, Bruel compris, y va de son couplet: l’ensemble tourne alors à la farce, Ciofi et Alagna se lançant dans une valse, bientôt suivis par Bruel et Courchelle.


23 heures 20, pas de gâteau, mais l’inévitable ovation debout et un «joyeux anniversaire» entonné sur scène comme dans la salle.



Simon Corley

 

 

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