Back
Schönberg en filigrane Paris Cité de la musique 11/21/2004 - Hans Erich Apostel : Quatuor n° 1, opus 7
Roberto Gerhard : Gemini (+)
Anton Webern : Trio à cordes, opus 20 (#)
Alexander von Zemlinsky : Quatuor n° 3, opus 19
Jeanne-Marie Conquer (+), Ashot Sarkissjan (#) (violon), Christophe Desjardins (alto), Eric-Maria Couturier (violoncelle), Dimitri Vassilakis (piano)
Dans le cadre du cycle «Richard Strauss. L’Ecole de Vienne» à la Cité de la musique, les solistes de l’Ensemble Intercontemporain présentaient, après une soirée dont Schönberg avait été le centre (voir ici), une après-midi dont le compositeur autrichien, bien qu’absent, était néanmoins le fil rouge: à son maître Zemlinsky étaient en effet associés trois de ses très nombreux élèves, Apostel, Gerhard et Webern.
En son temps, le Quatuor LaSalle avait complété son enregistrement (1977-1981) des quatuors de Zemlinsky par le Premier quatuor (1935) de Hans Erich Apostel (1901-1972): formé par Schönberg (1921-1925) puis par Berg (1925-1935), c’est à celui-ci qu’il dédie son œuvre pour son cinquantième anniversaire. Berg étant mort quelques mois plus tard, Apostel renoncera au cinquième mouvement qu’il avait d’abord envisagé, le quatuor se concluant donc sur un Largo assai qui, toutes choses égales par ailleurs, n’a pas grand-chose à envier à l’Adagio lamentoso final de la Symphonie pathétique de Tchaïkovski. Si les formes sont traditionnelles (sonate, thème et variations, ...), la densité de l’écriture tient de Schönberg, mais le caractère expressif ainsi que les jeux de citations et d’initiales figurées par des notes évoquent bien davantage Berg, plus particulièrement son Concerto de chambre (destiné, quant à lui, au… cinquantième anniversaire de Schönberg), d’autant que la partition est défendue avec élan et violence par les musiciens de l’Ensemble Intercontemporain.
Quasiment (et scandaleusement) ignoré des affiches parisiennes, Roberto Gerhard (1896-1970) étudia lui aussi avec Schönberg (1923-1928). Gemini (1966) pour violon et piano, initialement baptisé Duo concertante, devait s’inscrire dans un ensemble de douze pièces consacré aux signes du zodiaque, dont il ne put achever par ailleurs que Libra et Leo: s’il n’était certes pas le premier à être fasciné par les astres, nul doute que le chiffre douze éveillait en lui des correspondances musicales. Les registres et les modes de jeu des deux instruments, où le pianiste intervient notamment de façon directe sur les cordes, s’opposent dans un langage postwebernien, fragmentaire en même temps que volubile et ludique. Toutefois, au fur et à mesure des onze minutes, un rapprochement s’opère, Jeanne-Marie Conquer et Dimitri Vassilakis terminant en commun sur des trilles puis sur de rapides gammes ascendantes.
Dans le Trio à cordes (1927) de Webern, Ashot Sarkissjan, Christophe Desjardins et Eric-Maria Couturier livrent un Sehr langsam agile, léger et gracieux, presque schubertien, mais le second mouvement (Sehr getragen und ausdrucksvoll) conjugue passion et précision.
En miroir au Premier quatuor d’Apostel, et d’une ampleur similaire, le Troisième quatuor (1924) de Zemlinsky ne dénote nullement dans le programme, malgré d’indéniables références au passé: au-delà du titre du dernier mouvement, Burleske – qui pourrait renvoyer à Mahler (Neuvième symphonie) aussi bien qu’à R. Strauss ou à Reger – les formes restent classiques, avec une Romance de forme lied où l’alto solo s’épanche avec lyrisme. Difficile, pour le reste, de faire le lien avec la si postromantique Symphonie lyrique, antérieure de deux ans seulement, tant Zemlinsky regarde ici droit devant lui, rejoignant ainsi les plus grands à avoir contribué au genre dans les années 1920: Bartok (Troisième et Quatrième), Fauré, Janacek, Martinu (Deuxième et Troisième), Schönberg (Troisième) ou Szymanowski (Second).
Simon Corley
|