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Krawczyk et Azzola en stéréophonie

Paris
La Maroquinerie
11/08/2004 -  

Franck Krawczyk (piano, accordéon), Marcel Azzola (accordéon), Lina Bossatti (piano, voix)


Ouverte à tous les genres (chanson, jazz, rock, rap, …), La Maroquinerie, à la fois restaurant, café littéraire et scène musicale, propose entre autres, sur les hauteurs de Ménilmontant, une programmation «classique»: après avoir abrité la saison dernière les «Journées Phœnix» (voir ici), elle accueille cette année la série «Zizique maestro» que l’Orchestre Lamoureux destine à ses plus jeunes auditeurs ainsi qu’une initiative originale, les «Duophonies». D’ici le 6 juin prochain, quatre rendez-vous associeront ainsi musique contemporaine, d’un côté, chanson, jazz ou musiques du monde, de l’autre: avant Pascal Dusapin et Benoît Delbecq, Martin Matalon et Olivier Manoury puis Yan Maresz et John McLaughlin, ce sont Frank Krawczyk et Marcel Azzola, en compagnie de sa pianiste, Lina Bossatti, qui inauguraient cette formule. Accordéoniste (mais également pianiste) de formation, le jeune compositeur (né en 1969) rencontrait donc un partenaire né à deux pas de là, dans ce Ménilmuche des années 1920, et avec lequel il dit avoir entretenu de longue date «une relation imaginaire», autour d’un instrument qui n’a acquis que relativement récemment ses lettres de noblesse dans les conservatoires.


Après tout, puisque le mélange du sucré et du salé est à l’honneur dans la cuisine actuelle, pourquoi ne pas susciter en effet l’échange et l’écoute entre des musiques qui ont si souvent eu tant de choses à se dire? Cela étant, les habitués du Théâtre des Champs-Elysées devront se faire aux chaises et aux marches, certes pas plus spartiates que dans la plupart des lieux de culte, à une ambiance plus décontractée, mais d’autant plus chaleureuse, à un flux continu de retardataires, alors que le spectacle a commencé plus d’un quart d’heure après l’horaire prévu, et à une sonorisation, certes utilisée avec modération, mais dont on perçoit difficilement la nécessité dans une salle de cent cinquante places.


Le plus difficile semble surtout, pour un certain public, d’admettre la cohabitation, voire la simple coexistence de deux répertoires que la segmentation de la vie musicale semble rendre impossible. Force est pourtant de constater que cette première expérience, séduisante sur le papier, ne s’en est pas moins révélée concluante: non seulement les «supporters» de Krawczyk et d’Azzola se comptaient en nombre comparable, mais ils ont partagé une heure et demie d’une émotion que l’on n’éprouve pas nécessairement dans des cadres plus traditionnels.


Ceux – y en avait-il? – qui espéraient ou qui craignaient d’improbables compromissions en auront été pour leurs frais: non, Azzola n’a pas interprété la Sequenza XIII de Berio, pas plus que Krawczyk n’a chanté Les Marquises en desserrant sa cravate (il n’en avait d’ailleurs pas). Sans verser dans une fusion artificielle, ni pour autant dans une «schizophonie» où chacun aurait campé sur ses positions, cette «Duophonie» a bien davantage été marquée par le respect et par le dialogue entre artistes originaires de deux univers qui ont décidé de ne plus s’ignorer.


Au fil d’une soirée que l’on qualifiera, selon l’humeur, de décousue ou rhapsodique, on aura d’abord pu entendre Azzola notamment dans un medley où, à soixante-dix-sept ans, il fait preuve d’une éclatante santé, faisant se succéder les plus grands moments de la chanson (Les Feuilles mortes, Pigalle, L’Aigle noir, A Paris, La Bicyclette, …). Il colore ensuite de quelques notes une sorte d’improvisation de caractère onirique menée par Krawczyk au piano, où passe l’ombre d’une valse de Brahms.


Suivaient des hommages rendus à deux disparus: dédiée à Claude Helffer, qui nous a quittés le 27 octobre dernier, Quasi una sonata (1996) de Krawczyk assume pleinement, entre éruptions et réminiscences, sa référence romantique; rejoint par Lina Bossatti, il donne une transcription pour piano à quatre mains, tout à fait orthodoxe quoique due à Kurtag, de la Sonatina introductive de la Cantate n° 106 «Actus tragicus» de Bach. Azzola, de son côté, évoque les succès de Brel: Amsterdam, La Valse à mille temps, La Chanson des vieux amants, Ne me quitte pas, Bruxelles et, forcément, Vesoul, encouragé par un vigoureux «Chauffe Marcel!» venu de la salle.


A son tour, Krawczyk sort son accordéon pour en tirer quelques accords qui, amplification aidant, rappellent l’orgue de Messiaen, puis offre, en compagnie d’Azzola, qui a auparavant fait danser son quasi-homonyme Piazzolla, une adaptation très épurée du quatrième mouvement de la Troisième symphonie (1896) de Mahler.


Les bis – mais peut-on encore les qualifier ainsi en l’absence de programme prédéterminé? – mettent en valeur le talent de conteur d’Azzola, narrant avec humour et nostalgie comment, en 1938, à l’occasion d’un radio-crochet qu’il avait remporté et où il avait été amené à suppléer un musicien défaillant, il a eu le privilège d’accompagner Fréhel, auteur des paroles et de la musique de Où sont tous mes amants? (1935): Lina Bossatti, dans l’esprit davantage que dans la perfection technique, prête sa voix à cette chanson arrangée par Krawczyk. Le compositeur suggère alors un rapprochement audacieux avec une Chaconne de Louis Couperin, qu’il aborde avec un souci de l’expression, un usage de la pédale et des phrasés à faire frémir le moins intransigeant des «baroqueux». C’est Azzola qui aura toutefois le dernier mot, avec un malicieux Take Bach du pianiste de jazz Philippe Duchemin, dans le style de Jacques Loussier, mais en mêlant musique originale et citations du Cantor.


Le site de la Maroquinerie



Simon Corley

 

 

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