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Ultimes symphonies

Paris
Théâtre Mogador
09/29/2004 -  et 30 septembre 2004
Luciano Berio : Rendering
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 9, opus 125

Eva Mei (soprano), Nora Gubisch (mezzo), Robert Dean Smith (ténor), Andreas Schmidt (basse)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Didier Bouture et Geoffroy Jourdain (chefs de chœur)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)


Pour leur tardive rentrée dans la capitale après les programmes donnés aux Proms (Londres) puis à Musica (Strasbourg), l’Orchestre de Paris et son directeur musical, Christoph Eschenbach, proposaient un concert d’ouverture autour des ultimes contributions que Schubert et Beethoven ont apportées, presque au même moment et dans la même tonalité de , au genre symphonique.


Rendering (1990) de Berio est fondé sur les esquisses que Schubert laissa, l’année de sa mort, pour trois mouvements d’une Dixième symphonie (1828). Ces fragments avaient déjà connu auparavant des tentatives de reconstitution animées par un souci d’objectivité musicologique, mais le compositeur italien – qui avait déjà montré avec brio, dans sa Sinfonia, qu’il pouvait s’approprier, au prix d’un grand écart stylistique, une autre musique (en l’espèce, le Scherzo de la Deuxième symphonie de Mahler) – a choisi une toute autre démarche. Car si les réalisations antérieures, dues entre autres à Peter Gülke, Brian Newbould ou Pierre Bartholomée, à l’image du travail accompli par Deryk Cooke sur la Dixième de Mahler, sont certes extérieurement plus orthodoxes, Berio, en mettant en relief le côté visionnaire des harmonies du dernier Schubert et, surtout, en refusant de recoller artificiellement les morceaux, revendique une autre forme de fidélité, pour un résultat certes esthétiquement hybride, mais rendant sensible les perspectives brucknériennes et – particulièrement dans le poignant Adagio en si mineur – mahlériennes qu’ouvrent ces ultima verba.


Dès lors, plutôt que de tenter d’extrapoler ce que le manuscrit serait devenu si son auteur avait eu le temps de le compléter, Berio a préféré remplir lui-même les blancs par des «interpolations» de son propre cru, mêlées de réminiscences, suggérant un climat tour à tour méditatif et onirique. Dans ces sections, qui représentent environ un tiers de l’œuvre (d’une durée totale de plus d’une demie heure), le célesta vient s’ajouter à l’effectif schubertien traditionnel (celui des Huitième et Neuvième), apportant une touche de couleur supplémentaire à une instrumentation d’une grande subtilité, admirablement mise en valeur par Eschenbach et ses musiciens.


Curieusement, l’intégrale des symphonies de Beethoven qu’offre l’Orchestre de Paris cette saison débutait par la dernière (en faisant abstraction d’une Dixième restée en projet, tant une malédiction semble s’être attachée au chiffre neuf, ainsi que le craignait d’ailleurs Mahler), l’immense Neuvième (1824) – quasi contemporaine de la Dixième de Schubert – Eschenbach s’étant par ailleurs réservé trois autres symphonies (les Deuxième, Cinquième et Septième) d’ici avril prochain. Plongés dans le noir complet, salle et scène écoutent sagement la voix du chef allemand diffusée par des haut parleurs, mais ce cérémonial inhabituel ne vise, dans une bande soigneusement préenregistrée, qu’à l’annonce du cycle qu’il entame avec son orchestre et qu’à la présentation sommaire de la Neuvième symphonie: et ce fut en effet soit trop, soit trop peu, puisqu’il n’eut à peu près le temps que de dire qu’il s’agissait là d’un des chefs-d’œuvre de la littérature symphonique. Soit.


Précisément, Eschenbach, que l’on connaît généralement plus exigeant avec lui-même, donne l’impression de vouloir attester le caractère monumental de cette symphonie, tant par les forces en présence (cordes pléthoriques, bois doublés en conséquence, troisième trompette, cent vingt choristes) que par le strict respect des reprises dans le Scherzo et, principalement, par une conception grandiose et théâtrale, fondée sur des textures charnues, une scansion appuyée et des ralentis très étudiés. Non dépourvue de pugnacité dans les deux premiers mouvements, avec un timbalier très en avant, cette approche, bien que servie avec infiniment de talent par l’Orchestre de Paris, s’enlise dans un Adagio molto et cantabile qui paraît trop étiré.


Quoique accueillie avec enthousiasme par le public, l’Ode à la joie conclusive suscite un sentiment mitigé: si Eschenbach, qui dirige par cœur, se montre à son meilleur dans les passages qui vont de l’avant (fugue suivant le solo de ténor) et si le Chœur de l’Orchestre de Paris livre une prestation de qualité, le quatuor vocal (*), très inégal, déçoit. La voix d’Andreas Schmidt, en particulier, trahit une stupéfiante méforme, Eva Mei révélant quant à elle un timbre par trop acide, tandis que Nora Gubisch et Robert Dean Smith tirent davantage leur épingle du jeu. Le tout est accompagné d’étranges et incessants changements d’éclairages, que Scriabine, avec son «clavier de lumières», n’aurait pas désavoués, mais qu’il convenait sans doute d’attribuer plus prosaïquement aux contraintes inhérentes à une captation télévisée.


(*) Une fois de plus, il aura fallu endurer cette pratique particulièrement irritante et déplacée consistant, pour les solistes, à ne pas honorer de leur présence l’intégralité de la symphonie et à n’arriver ainsi qu’au moment de leur choix (ici, avant le troisième mouvement), alors que cette pièce, peut-être plus que toute autre, possède un caractère éminemment collectif. Rien de tel, bien entendu, pour effectuer une entrée remarquée, encore que ce fût ici pour se placer modestement (et sans partition) derrière l’orchestre, mais imagine-t-on le chœur attendre en coulisse jusqu’au Finale?



Simon Corley

 

 

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