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SOS (Sauvez un Orchestre Symphonique) Paris Théâtre des Champs-Elysées 09/19/2004 - et Caen (18 septembre) Leonard Bernstein : On the waterfront (suite symphonique) – Symphonie n° 1 «Jeremiah»
Béla Bartok : Concerto pour violon n° 2, sz. 112
Leila Josefowicz (violon), Marie-Ange Todorovitch (mezzo)
Orchestre Lamoureux, Yutaka Sado (direction)
La cent vingt-troisième saison de l’Orchestre Lamoureux, qui s’ouvrait avec ce concert, risque-t-elle d’être la dernière? Tel est le sens de l’avertissement lancé avant le spectacle par Jean-Luc Caradec, son délégué général, qui, compte tenu d’un niveau de subvention jugé insuffisant pour un budget autofinancé à plus de 50 %, en appelle désormais aux pouvoirs publics, sans quoi la plus en vue des trois traditionnelles associations symphoniques de la capitale serait contrainte de mettre la clef sous la porte fin janvier 2005.
Mais, ainsi que le proclame haut et fort l’Orchestre Lamoureux, «Jusqu’ici tout va bien», et c’est ce qu’a démontré ce programme emblématique de Yutaka Sado, qui en est le dynamique chef principal depuis 1993. Celui-ci avait d’abord l’occasion de conjuguer sa passion pour la musique de film – Bernard Herrmann, Nino Rota, Michel Legrand et John Williams seront également à l’affiche cette année – et son admiration pour Bernstein, qui fut son premier mentor et dont il a gravé avec son orchestre un disque monographique à paraître ce mois-ci chez Warner classics. Il avait en effet choisi de commencer par une suite symphonique tirée de la musique composée en 1953 pour On the waterfront (Sur les quais) d’Elia Kazan, à la manière de la suite extraite de West side story, dont elle annonce sinon la couleur, du moins le caractère à la fois intense, rythmé et obsédant. Durant ces vingt-deux minutes, le chef japonais maintient une densité évoquant la manière d’un Chostakovitch, qui fut lui aussi, au demeurant, un grand compositeur pour le cinéma.
Leila Josefowicz était ensuite la soliste du Second concerto pour violon (1938) de Bartok. Aujourd’hui âgée de vingt-cinq ans, l’Américaine, cheveux courts et robe bleu et or, n’est plus la Lolita du violon que l’on a découvert il y a une dizaine d’années, mais sa technique est demeurée phénoménale: survolant les difficultés de sa partie, elle parvient à se mettre à l’unisson de la fougue de Sado tout en délivrant un son pur et précis. Cela étant, son jeu, s’il rend justice à la poésie de l’Andante tranquillo, ne se débride que rarement et, sans être insipide, conserve quelque chose de lisse, alors que l’orchestre assure un accompagnement plus rugueux, mais tout à fait exemplaire.
Retour à Bernstein, pour conclure, avec sa Première symphonie «Jeremiah» (1943). D’emblée, Sado, à la tête d’une formation volontaire et convaincante, impose dans le premier volet (Prophétie) de ce triptyque une tension oppressante, à la fois expressive et intériorisée. Haute en couleur, Profanation devient une sorte de bacchanale ou de danse autour du veau d’or. Avec autorité et puissance, Marie-Ange Todorovitch met tout son sens dramatique pour faire de la Lamentation finale une profonde déploration, dont le chef souligne en outre la dimension parfois presque mahlérienne.
Simon Corley
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