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Merci ! Paris Palais Garnier 06/16/2004 - et 19, 23, 26, 29 juin, 2, 6, 8 juillet 2004 Richard Strauss : Capriccio Renée Fleming (Die Gräfin), Dietrich Henschel (Der Graf), Rainer Trost (Flamand), Gerald Finley (Olivier), Franz Hawlata (La Roche), Anne Sofie von Otter (Clairon), Robert Tear (Monsieur Taupe), Annamaria Dell'Oste (Eine italienische Sängerin), Barry Banks (Ein italienischer Tenor), Petri Lindroos (Der Haushofmeister)
Orchestre de l'Opéra National de Paris, Günter Neuhold (Ulf Schirmer les 2, 6 et 8 juillet)
Robert Carsen (mise en scène)
Rarement on aura vu une telle ovation à une première, le public y étant, on le sait, habituellement froid. En quelques secondes, le dernier mouvement des décors ne pouvait, il est vrai, que convaincre les moins sensibles et subjuguer tous les autres : un cabinet de la danse reconstitué en toiles peintes s'élève dans les airs ouvrant sur une fidèle reconstitution "en dur" du même cabinet que l'on démonte sous nos yeux pour découvrir l'original, juste derrière la scène, dans lequel s'entraîne une danseuse. Ultime pirouette de ce théâtre de la mise en scène pour cet opéra sur l'opéra. Auparavant, cette reconstitution à l'identique - mais agrandie - du cabinet de danse représentait ce XVIIIe siècle français, le cadre du livret, tandis que l'action se déroulait sur une scène vue de derrière, avec tous ses cintres. Ou sommes nous ? Qui est spectateur ? Nous, ou la Comtesse qui apparaît d'abord dans la salle ? Robert Carsen réalise ici une subtile "mise en abîme", seulement parasitée, selon nous, par une évocation inaboutie de l'époque de la création (costumes et officier en long manteau de cuir) qui fait plutôt figure de fausse piste. Mais on reconnaît bien là l'intelligence conceptuelle du metteur en scène canadien dont il avait déjà fait preuve à l'Opéra de Paris dans Lohengrin, Alcina, Rusalka et, surtout, Les Contes d'Hoffmann.
L'opulente robe scintillante de Renée Fleming pour la scène finale restera aussi dans nos mémoires, rarement diva aura été aussi resplendissante ! Rarement, aussi, Comtesse aura été si idéale, mettant en avant un timbre riche, une émission contrôlée et naturelle. Cette conversation en musique réclame avant tout une suprême aisance vocale, un contrôle millimétré du souffle, une articulation qui ne vient jamais dégrader la finesse de la ligne mélodique, ainsi qu’un naturel théâtral inné. La remarquable distribution réunie pour cette série présente toute ces qualités et ces immenses talents individuels se fondent parfaitement dans l'ensemble : Rainer Trost (Flamand) et Gerald Finley (Olivier) sont parfaits en "frères ennemis", Dietrich Henschel campe un Comte impeccable, on admire la composition d'Anne Sofie von Otter en Clairon et l'excellent Monsieur La Roche de Franz Hawlata dont le long monologue "Holà! Ihr Streiter in Apoll" provoque une ovation de la salle.
Dernière création de l'ère Hugues Gall, celui-ci se sera sans doute reconnu - ou aura voulu parler à travers lui - dans cette tirade du directeur de théâtre narrant son dur métier ! Ce Capriccio représente la quintessence des constantes de sa direction artistique durant les neuf dernières années : distribution de haut niveau et homogène, fidélité à quelques metteurs en scène, chefs moyens ou bons mais orchestre impeccable (excellents solistes dans cette partition que les sollicite tant !). Voici un inoubliable et somptueux au revoir. Merci Monsieur La Roche !
Philippe Herlin
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