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De futures belles soirées! Paris Bastille 06/10/2004 - et le 11 juin 2004* Airs tirés d'opéras de Mozart, Poulenc, Gerschwin… Elsa Levy, Tracy Smith Bessette, Mary Elizabeth Williams (sopranos), Edel O'Bien, Cornelia Oncioiu (mezzos), Xavier Mas (ténor), David Bizic, Jean-Loup Pagesy (barytons)
Chanteurs du Centre de formation lyrique de l'Opéra National de Paris.
Emmanuel Trenque (piano)
Yves Coudray (direction du jeu) Le Centre de formation lyrique de l’Opéra de Paris présente un concert au programme ambitieux et classique puisqu’il permet d’entendre Mozart, R. Strauss ou bien encore Gerschwin. Pour cela une partie des élèves a été rassemblée, de jeunes chanteurs qui ont travaillé auprès de professeurs prestigieux et qui ont eu la chance de recevoir des conseils d’artistes comme Teresa Berganza ou José Van Dam tout au long de master-classes qui ponctuent leur parcours dans cette institution.
Les élèves sont assez inégaux mais il est possible de distinguer de futurs Don Giovanni ou Ottavio qui ne manqueront pas de susciter beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme dans les années à venir.
Le concert s’ouvre sur le Lied d’Osmin de L’Enlèvement au sérail chanté par la basse Jean-Loup Pagesy. Ce chanteur possède de très grandes qualités musicales mais pour être entièrement convaincant, il lui faudrait améliorer la justesse et surtout le rythme car le pianiste a rattrapé plus d’une fois ses décalages. Mais il a une grande maîtrise de sa puissance vocale et il en joue pour les “tra la la” d’Osmin qui deviennent alors assez effrayants, mais chargés de sens. On le retrouve ensuite dans la peau d’un Leporello peut-être un peu trop sérieux et trop élégant. Enfin il se transforme en un Porgy amoureux à souhait et conclut magistralement ce concert.
Le ténor Xavier Mas est sûrement le plus convaincant, le plus musical et le plus prêt de tous les chanteurs. Il a un magnifique instrument, doux, élégant, une intelligence vocale et il parvient à donner corps et vie aux ténors un peu mièvres de Mozart. Son Ottavio est tendre et il habite ses paroles quand il chante “sposa, …” Il distille également les mots et les notes quand il pose des questions à Osmin, tout en feignant une certaine crainte. Il trouve également de très beaux accents dans le personnage du Chevalier du Dialogue des Carmélites et ses aigus aériens ne sont pas sans faire penser à ceux de Yann Beuron. On rêverait de le réentendre dans tous les grands rôles de Ferrando à Tamino…
Cornelia Oncioiu est, manifestement, un nom à retenir et il serait étonnant de ne pas la voir rapidement sur des scènes importantes. Elle présente une interprétation sombre de Carmen (au moment où elle retourne les cartes et qu’elle apprend qu’elle va mourir) notamment dans les différents “la mort…” où elle laisse tomber une à une les cartes. Ses graves sont magnifiques, fournis, amples et elle a un timbre de voix particulier et singulier.
Tracy Smith Bessette est un soprano léger avec un grand avenir car elle possède une belle rondeur, des aigus fermes et clairs et beaucoup de musicalité. Son interprétation de Zdenka est très expressive et elle sait déjà parfaitement se comporter en scène et développer en quelques minutes un personnage, une psychologie. Elle revient ensuite en Frasquita dans le trio des cartes mais le rôle est plus court donc il est plus difficile de construire une ambiance.
David Bizic se montre un Don Giovanni plus qu’intéressant même si on sent déjà en lui un Figaro. Son air du champagne est parfaitement mené, dans un tempo rapide, et il ne semble éprouver aucune difficulté. Il a un beau timbre, remarquable, mais il gagnerait à être écouté dans des airs plus longs. Le chanteur apporte également une expressivité aux mots notamment dans les “Poverina” qu’il lance, en aparté, à Donna Elvira.
Mary Elizabeth Williams possède une voix ample, puissante, peut-être un peu trop d’ailleurs car elle ne contrôle pas tout à fait l’émission de sa voix et parfois un certain voile entrave la couleur de son timbre. Mais elle semble avoir de prometteuses affinités avec Richard Strauss car son interprétation d’Arabella montre qu’elle sait alléger sa voix pour exécuter les montées et les retenues typiques de ce compositeur. En revanche elle est assez difficilement audible dans Donna Anna car elle crie beaucoup trop et elle donne l’image d’une femme déjà affirmée et plus tournée vers la vengeance que vers la douleur comme en témoigne son “vendicar” particulièrement brutal.
Elsa Lévy, annoncée souffrante, commence assez mal le concert avec une entrée de Donna Elvira assez tonitruante mais elle retrouve ensuite des nuances dans la voix et une rondeur chaleureuse pour interpréter le duo entre Blanche et le Chevalier. Sa voix s’harmonise très bien avec celle de Mary Elizabeth Williams et le trio des masques prend une certaine élégance et une certaine ampleur quand elles sont ensemble. Elle semble posséder de grandes réserves qui s’épanouiront quand elle sera plus en forme.
Edel O’Brien chante, en duo avec une Natacha Constantin d’une très élégance, le duo entre Héro et Ursule de Béatrice et Bénédict avec une intéressante émotion et une voix un peu blanche. Elle se montre nettement plus engagée dans le trio des cartes de Carmen
Le pianiste Emmanuel Trenque est efficace et il parvient à soutenir tous ces jeunes chanteurs, parfois un peu fâchés avec le rythme. Mais pourquoi avoir adopté un tempo aussi rapide pour le trio des masques de Don Giovanni? cela enlevait une grande partie de la magie de cette page!
A l’issue du concert, la directrice du Centre de formation lyrique a exprimé son émotion de devoir quitter ce poste et de voir cette institution se transformer. Espérons que la nouvelle formule offrira la possibilité de continuer un travail aussi rigoureux et aussi riche…et que les distributions prochaines n’oublieront pas quelques-uns des noms relevés ce soir.
Manon Ardouin
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