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Concert des lauréats Montreal Salle Wilfrid-Pelletier 06/04/2004 -
Maurice Ravel : Alborada del Gracioso, Concerto pour piano en sol majeur (1er mouv.)
Jacques Hétu : Impromptu pour piano, opus 70
Sergei Prokofiev : Concerto pour piano en do majeur, opus 26 (1er mouv.)
Johannes Brahms: Concerto pour piano en si bémol majeur, opus 83
Sergei Salov, David Fray, Daria Rabotkina (piano)
Orchestre symphonique de Montréal
Jacques Lacombe (direction)
Après une première édition consacrée au chant en 2002 et une seconde consacrée au violon l’an dernier, la troisième édition du tout nouveau Concours Musical International de Montréal était consacrée au piano, offrant une fois de plus une visibilité enviable à de jeunes musiciens triés sur le volet et comptant parmi les plus sérieux espoirs de leur génération. Cette année encore, le Concours fut un rendez-vous essentiel pour nos musiciens, pédagogues et mélomanes de tout acabit, véritable florilège pianistique étalé sur quelque quinze jours et attirant un public fort nombreux (pour certaines séances de demi-finale, il fallut faire la file pendant près d’une heure pour s’assurer d’avoir un siège !).
Le jury, composé des pianistes Angela Cheng, Michel Dalberto, Akiko Ebi, Yoheved Kaplinsky, Mikhaïl Kollontay, André Laplante, Lee Kum-Sing et Benedetto Lupo, de même que du président du jury du Concours Reine Élisabeth de Belgique, Arie van Lysebeth, a décerné en tout 10 prix dont la valeur totale se chiffre à près de 80 000 dollars canadiens. Le premier prix fut décerné à Sergei Salov (Ukraine), le second à David Fray (France), le troisième à Daria Rabotkina (Russie), le quatrième à Spencer Meyer (Etats-Unis), le cinquième à Natalia Zagalskaia (Russie), et le sixième à Darett Zusko (Canada). Dans le même ordre d’idées, le prix du public fut remis à Sergei Salov, le prix pour la meilleure interprétation de l’œuvre inédite imposée, à David Fray, le prix du meilleur pianiste canadien, à Darett Zusko, et le prix du meilleure pianiste québécois, à Matthieu Fortin.
Il y a beaucoup de choses à retenir d’interprétations si nombreuses d’un vaste répertoire, chacun des 24 demi-finalistes ayant offert un récital de 60 minutes. Mis à part le fait qu’on a pas joué beaucoup de Mozart et que l’école russe semble plutôt bien se porter à la lumière des résultats, il faut mentionner la fougue assommante du jeune Lithuanien Gintaras Janusevicius dans l’intégrale des Études-tableaux de Rachmaninov, l’abattage très à propos de Spencer Myer dans la seconde Ballade de Liszt, le scintillant Troisième de Prokofiev de Daria Rabotkina, mais par-dessus tout l’extraordinaire prestation de David Fray, tant en récital qu’avec orchestre, jouant sur des couleurs infinitésimales dans l’Impromptu inédit de Jacques Hétu de même que dans le Concerto en sol de Ravel, livré avec une précision, une nervosité et une intelligence hors normes. La question se pose presque d’elle-même : peut-on vraiment gagner un concours international en jouant ce concerto ? Car comme si ce n’était pas suffisant, Fray avait en plus livré en demi-finale une lecture absolument transcendante de la Sonate de Liszt, monument s’il en est un, et aurait amplement mérité le premier prix, toutes catégories confondues.
N’est-il pas par contre un peu trivial de vouloir mettre côte à côte des personnalités aussi différentes que celles de Fray et Salov ? Il faut un premier prix, il en faut un deuxième et des suivants, et les palmarès de concours sont rarement étrangers à la controverse…Possédant des moyens indéniables, Sergei Salov a quelque peu déçu dans le second concerto de Brahms, où malgré un magnifique troisième mouvement, son interprétation manquait du souffle, de la conception d’ensemble et de la majesté que l’on s’attend à rencontrer à l’écoute de cet autre monument du répertoire. Peut-être faudrait-il l’étiqueter «surtout ne pas aborder avant d’avoir atteint l’âge de trente ans»…Pour l’instant, retenons le nom de David Fray…
Renaud Loranger
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