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Drame de la jalousie

Paris
Musée d’Orsay
06/01/2004 -  et 3, 5*, 6 juin 2004
Claude Debussy : Pelléas et Mélisande

Jean Fischer (Pelléas), Ingrid Perruche (Mélisande), François Le Roux (Golaud), Marie-Thérèse Keller (Geneviève), Renaud Delaigue (Arkel), Nicolas Champart/Gabriel Florent-Tiano* (Yniold), José Luis Barreto (Le médecin, Le berger)
Alexandre Tharaud (piano), Emmanuel Olivier (chef de chant)
Alexandre Vittoz (mise en scène), Philippe Léonard (décors et costumes), Thierry Fratissier (lumières)


Le Musée d’Orsay présente à quatre reprises une «version de chambre» de Pelléas et Mélisande, consistant en la partition complète pour piano et chant, achevée dès 1895, mais que Debussy remisa, avant de l’orchestrer, dans l’attente d’une perspective concrète de production parisienne, laquelle n’intervint finalement qu’en 1902. «Version originale», par conséquent, si l’on veut. Mais de là à prétendre qu’elle surpasse la version orchestrée – certes complétée par les interludes «parsifaliens» (demandés, lors de la création, par André Messager afin de faciliter les changements de décors) et expurgée de quatorze mesures correspondant à un passage jugé inconvenant du livret (qui faisait allusion… au lit de Mélisande), mais, bien entendu, sans la brève et lointaine intervention des chœurs au premier acte – au motif qu’elle serait «telle que Debussy l’a voulue et conçue, se rapprochant de son idéal dramaturgique», il y a un pas de géant, qu’Antoine Mignon franchit allégrement dans son intéressante notice de présentation, mais qu’il est difficile de concevoir autrement que comme un légitime argument de vente. En outre, contrairement à ce qui est avancé, la «scène des moutons» n’est pas systématiquement coupée dans la version orchestrale. En outre, on voit mal pourquoi Debussy, vu le succès rencontré par son opéra de son vivant, n’aurait pas ensuite pris le soin d’établir une édition définitive, plus conforme à ses désirs supposés.


Cela étant, le spectacle mérite d’être salué presque sans réserves, car un tel exercice est particulièrement redoutable pour les chanteurs, qui travaillent ici sans filet, tous avec une diction exemplaire, dans la relative intimité de l’auditorium du musée, dont le tiers de la scène, dépourvue de rideau, est déjà occupé par le piano. Du coup, c’est un Pelléas engagé, tout sauf désincarné, qui nous est offert: plutôt un drame de la jalousie, sorte de pendant bourgeois de Jenufa, que Janacek composait à la même époque. François Le Roux, qui est le Golaud de sa génération, y est pour beaucoup, tour à tour pathétique, veule et torturé. Il a aussi été le professeur des deux rôles-titres: la Mélisande plus sensuelle qu’innocente, aux aigus impeccables, d’Ingrid Perruche, de même que le Pelléas juvénile de Jean Fischer, dont la voix manque encore de rondeur. Avec le renfort d’une Marie-Thérèse Keller aussi impeccable qu’à son habitude en Geneviève ou du jeune Arkel de Renaud Delaigue, qui joue les basses nobles alors qu’il pourrait être le fils de François Le Roux, la satisfaction ne peut être que complète, d’autant que la production a déniché parmi la Maîtrise de Notre-Dame de Paris un formidable Yniold tout juste âgé de dix ans, Gabriel Florent-Tiano (en alternance avec Nicolas Champart, son aîné de quatre ans).


Tout cela ne serait évidemment rien sans le travail de chef de chant réalisé par l’excellent Emmanuel Olivier, qui, dans l’ombre, tourne les pages d’Alexandre Tharaud. Ce dernier effectue une performance époustouflante durant les presque deux heures et vingt minutes de cette «version originale», à la hauteur de ce qui n’est effectivement pas une réduction a posteriori de la partition orchestrale, mais une musique directement écrite pour le piano. Energique sans être brutal, sans la moindre concession «impressionniste» qui noierait tout dans un abus de pédale, le pianiste français privilégie la netteté de trait qui sert cette riche partie que l’on ne peut décidément plus qualifier d’accompagnement.


Sobre, la mise en scène d’Antoine Vittoz se contente de quelques accessoires (fauteuil, miroir figurant l’onde, valise, lanternes, fleurs, album, cahier, crayons et épée), des costumes discrètement contemporains de Philippe Léonard, où le col roulé est souvent à l’honneur, et des lumières de Thierry Fratissier, qui suivent fidèlement les indications du livret. Une simple rampe descendant de la droite vers la gauche en fond de plateau permet différents jeux de scène, notamment dans le terrible épisode où Yniold espionne sur ordre de son père. Non sans humour, le piano, contre lequel viennent parfois s’appuyer les chanteurs – quand ils ne crapahutent pas dessous, comme Pelléas et Mélisande lorsqu’ils vont rejoindre la grotte à la fin du deuxième acte – est même mis à contribution.



Simon Corley

 

 

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