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Rigueur et humanisme

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/25/2000 -  et 26 mars 2000
Igor Stravinsky : L’Oiseau de feu (suite)
Maurice Ravel : Concerto pour la main gauche

Igor Stravinsky : Le Sacre du printemps

Igor Stravinsky : Petrouchka
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition (orchestration : Maurice Ravel)


Elisso Virssaladze (piano)
Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg, Nikolaï Alexeïev (direction)

Salle comble le samedi, public plus dispersé le dimanche, pour accueillir cette phalange prestigieuse, conduite, un demi-siècle durant, par le légendaire Mravinski, et désormais féminisée et rajeunie. Temirkanov, son successeur, souffrant, c’est au jeune Alexeïev qu’il revient d’assumer ce lourd héritage. Mais il y a tout lieu d’être rassuré : la rigueur demeure le maître mot à Saint-Petersbourg. Prudent et analytique, usant de gestes aussi sobres que ces partitions peuvent l'autoriser, Alexeïev souligne ainsi, dans L’Oiseau de feu et dans Petrouchka, ce qui annonce déjà le Sacre plutôt que la filiation avec Rimski-Korsakov. Ces visions acérées et parfois cinglantes s’éclairent ici ou là d’inflexions plus personnelles, hélas trop parcimonieuses.


Il est toujours émouvant d’entendre Le Sacre du printemps dans le théâtre, tout juste inauguré, dans lequel Monteux en assura la création en 1913. L’orchestre continue d’afficher une belle sonorité, particulièrement du côté des cuivres, moins du côté des violons, mais le chef, par une scansion et une articulation excessives, bride parfois excessivement le caractère sauvage et emporté de ce rituel païen, ce qui n’exclut pas des moments très réussis, comme la Danse de la terre ou l’Action rituelle des ancêtres.


Dans Tableaux d’une exposition, le détachement et l’objectivité permettent certes d’éviter l’histrionisme dont les interprètes se contentent trop souvent dans cette musique, mais le résultat est trop lisse, au détriment de l’expression et de la caractérisation des différents épisodes.


Répondant à l’accueil enthousiaste du public, Alexeïev, ayant abandonné sa baguette, dirige dans un style impeccable et dépouillé de toute surenchère expressive le Pas de deux du second acte de Casse-Noisette de Tchaïkovski, inusable des orchestres russes en tournée. Pour conclure le second concert, toujours à mains nues, le choix de Nimrod extrait des Variations Enigma d’Elgar est plus surprenant, mais mené avec la même retenue, avant le déchaînement du Trepak extrait de Casse-Noisette de Tchaïkovski.


Moment le plus émouvant de ces deux soirées, Elisso Virssaladze offre une magnifique démonstration de sa parfaite musicalité, conférant au Concerto pour la main gauche une poignante humanité, jusque dans la puissance qui lui fait défaut. L’orchestre souligne la fragilité du soliste, intrinsèque à ce concerto, en adoptant une tonalité grandiose et oppressante, mais sans jamais le couvrir entièrement. Le contraste entre le lyrisme du piano et un orchestre à la fois dérisoire et implacable finit par évoquer Chostakovitch. Rapprochement inhabituel, mais qui traduit l’émotion et la tension créées par les musiciens.



Simon Corley

 

 

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