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Ah! Que j’aime les militaires!

Paris
Théâtre Mogador
04/03/2004 -  
Jacques Offenbach : La Belle Hélène (ouverture) – Concerto militaire (édition Keck, création)
Manuel Rosenthal : Gaîté parisienne (extraits)

Xavier Phillips (violoncelle)
Orchestre Pasdeloup, Alain Pâris (direction)


Sous l’œil attentif de Marc Minkowski, la «(re)création» du Concerto militaire de Jacques Offenbach était au centre du dernier concert de la saison de l’Orchestre Pasdeloup. Sous la direction d’Alain Pâris, il offre d’abord une remarquable ouverture de La Belle Hélène (1864) – dans sa version «viennoise», c’est à dire plus développée que la courte introduction de la version «parisienne» – fine et incisive, rutilante et élégante. Comme il se doit ou plutôt comme il se devrait toujours.


Le Concerto militaire (1847) pour violoncelle et orchestre a eu une histoire mouvementée, que le musicologue Jean-Christophe Keck, responsable de l’édition critique de l’œuvre intégral d’Offenbach menée conjointement par Boosey and Hawkes et Bote und Bock, vient présenter aussi clairement que brièvement. Redécouvert en 1948 par le petit-fils du compositeur, Jacques Brindejont-Offenbach, il avait été reconstitué tant bien que mal à partir des sources alors disponibles par le violoncelliste Jean-Max Clément. Car si le premier mouvement avait été intégralement préservé, les deux autres n’étaient ni complets, ni orchestrés, de telle sorte que le résultat de cette reconstitution était partiellement apocryphe. L’Andante ayant été enfin retrouvé à Cologne, puis le Rondo à Washington, une édition satisfaisante a pu être établie, et c’est elle qui était donnée ici en création par Xavier Phillips.


De grande ampleur (trente-six minutes), le concerto justifie son qualificatif de «militaire» non seulement par son orchestration (quatre cors, deux trompettes, trois trombones, tambour) mais surtout par ces nombreux petits motifs en fanfares légères: un esprit militaire qui entretient certes plus d’affinités avec La Grande duchesse de Gerolstein qu’avec la symphonie éponyme de Haydn ou La Bataille de Vittoria de Beethoven! Il par débute par un vaste premier mouvement (quatorze minutes) virtuose, au babil paganinien parfois envahissant, mais aux caractéristiques déjà bien annonciatrices du grand Offenbach: des rythmes entraînants et un sens mélodique sans pareil. Le magnifique Andante (huit minutes) n’est que chant, avec un soliste qui semble avoir pris la place d’une diva ou d’un ténor. Plus «militaire» que les deux précédents mouvements, le Rondo final (quatorze minutes) est évidemment brillant, même s’il laisse à nouveau s’exprimer, par deux fois, une veine chaleureusement lyrique. Il serait dommage que cette exhumation en reste là: à quand un enregistrement par ces remarquables interprètes, à commencer par le violoncelle d’airain de Xavier Phillips?


C’est pour un ballet de Massine que Manuel Rosenthal a composé Gaîté parisienne, assemblage d’extraits de différentes partitions d’Offenbach, dont l’essentiel (environ les trois quarts) était ici proposé. S’il porte aujourd’hui à l’ironie ou à la critique, le travail de Rosenthal mérite pourtant un coup de chapeau. En effet, il ne s’agissait rien moins, à l’époque, que d’une tentative de réhabilitation d’un compositeur mal considéré. En outre, cette pratique était monnaie courante: pourquoi Rosenthal n’aurait-il pas eu le droit de faire avec Offenbach ce que Stravinski, Tommasini et Respighi, par exemple, avaient réussi avec des compositeurs plus anciens, respectivement Pergolèse (Pulcinella), Scarlatti (Les Femmes de bonne humeur) et Rossini (La Boutique fantasque)? En tout état de cause, ses arrangements – d’une redoutable difficulté pour l’orchestre – sont ceux d’un fin connaisseur des timbres, qui n’a pas été pour rien l’un des rares élèves de Ravel. Et avec un minimum d’humour, de mordant, de chic et de second degré, comme Alain Pâris sait sans peine les susciter, cette formidable kermesse sonore – un rien monstrueuse, mais c’est ce qui fait aussi son charme – ravit le public. Le Cancan (avec public frappant de ses mains à l’invitation du chef, comme à Vienne) et la Barcarolle seront donc bissés.


On n’ira sans doute pas jusqu’à proclamer, comme Jean-Christophe Keck, qu’Offenbach est le «véritable chef de file de la musique française du XIXe siècle», ne serait-ce que par injustice pour quelques autres (Berlioz, Saint-Saëns, Franck, …) mais, dans l’attente d’un «Festival Offenbach» qu’il appelle de ses vœux, l’Orchestre Pasdeloup n’en consacrera pas moins de trois des neuf concerts de sa saison prochaine au «petit Mozart des Champs-Elysées».



Simon Corley

 

 

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