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Le classicisme d’un romantique

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/26/2004 -  
Johannes Brahms : Variations sur un thème de Haydn, opus 56a – Double concerto, opus 102 – Symphonie n° 2, opus 73

Anne-Sophie Mutter (violon), Daniel Müller-Schott (violoncelle)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


Suite de l’intégrale Brahms de l’Orchestre national de France et Kurt Masur, dans un Théâtre des Champs-Elysées toujours complet, pour trois moments d’esprit assez différent, mais qui montraient, chacun à sa façon, comment le compositeur s’est approprié la tradition classique tout en s’inscrivant dans le romantisme de son époque.


Avec les Variations sur un thème de Haydn (1873), l’hommage au XVIIIe est on ne peut plus limpide. Dans la lignée du premier concert de ce cycle (voir ici), Masur conserve une approche incisive, soucieuse de netteté et de transparence davantage que de plénitude sonore, mais avec sans doute une plus grande fluidité et une plus grande attention à la poésie. L’allure est d’ailleurs volontiers modérée dans les mouvements lents, le chef allemand prenant le temps, avec une gourmandise manifeste, de s’attarder sur l’avant-dernière variation (Grazioso) et son rythme de sicilienne.


Comme pour la sérénade (il est dommage, à ce propos, que les deux que Brahms a destinées à l’orchestre n’aient pas été incluses dans cette «intégrale»), le concept même de Double concerto est un hommage à l’ère classique. Mais celui de Brahms s’en éloigne bien évidemment par son style, d’autant que les deux solistes en font ressortir le caractère échevelé, comme s’il s’agissait de l’une de ces œuvres fougueuses, épiques et fantastiques du jeune protégé de Schumann (Sonates pour piano, Premier concerto pour piano), et non, comme c’est le cas, de sa dernière partition symphonique (1887).


C’est Daniel Müller-Schott qui, après l’introduction orchestrale, impose d’emblée une densité expressive qui ne se relâchera pas un instant, par sa qualité de son, sa hauteur de vue et sa puissance expressive: un jeune violoncelliste qui donne le sentiment de se jeter à corps perdu dans la musique, au souffle parfois bruyant et aux mouvements d’archet dangereux pour ses voisins immédiats, mais dont le discours est heureusement plus maîtrisé. On retrouve à ses côtés celle qui parrainé le début de sa carrière par le biais de sa fondation, Anne-Sophie Mutter: par comparaison, son jeu, s’il est aussi chaleureux et expansif que la veille dans le Concerto pour violon (voir ici), en paraît presque décalé, tellement il se fait onctueux et moelleux, même si elle n’a pas non plus renoncé à ces vigoureuses attaques du talon de l’archet, qui écrasent les notes avec hargne. Cette exaltation fait chavirer le public et, après de nombreux rappels, l’Andante central, au vibrato généreux, est intégralement bissé.


La Deuxième symphonie (1877) n’est sans doute pas la plus «classique» des quatre, mais Hanslick, dans son finale, se plaisait à y reconnaître un «sang mozartien». Plus ambiguë que le qualificatif de «pastorale» qui lui est souvent associé ne le laisse supposer, cette symphonie, ainsi que le relève fort justement Brigitte François-Sappey dans les notes de programme, voit son interprétation tirée «tantôt du côté bucolique tantôt du côté endeuillé», Brahms ayant parlé à son propos aussi bien de «suite de valses» que d’une «œuvre si mélancolique qu’elle requerrait une publication avec bords noirs». Privilégiant le raffinement des textures et la mise en valeur des voix secondaires, Masur opte pour le versant ensoleillé dès l’Allegro non troppo, allant et lyrique, dont il observe la vaste reprise (un choix opposé à celui qu’il avait fait, la veille, dans le premier mouvement de la Première symphonie). L’Adagio non troppo évolue entre la relative retenue des passages chantants et l’accent porté sur les sections dramatiques. Dans l’Allegretto grazioso, quasi andantino, les contrastes entre légèreté et robustesse sont fortement soulignés. Enfin, l’Allegro con spirito final se montre conquérant et roboratif à souhait, tout en laissant largement s’épanouir le second thème. Une belle réalisation, assurant un luxe de détails assez extraordinaire sans que ce soit jamais au détriment de la puissance ou de la tension.



Simon Corley

 

 

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