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Hommage à Giulini

Paris
Théâtre Mogador
03/24/2004 -  et 25 mars 2004
Karol Szymanowski : Stabat Mater, opus 53
Gustav Mahler : Symphonie n° 4

Michaela Kaune (soprano), Patricia Bardon (contralto), Stephen Salters (baryton)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Didier Bouture et Geoffroy Jourdain (chefs de chœur), Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)


Carlo Maria Giulini, qui a interrompu ses activités depuis quelques années, a écrit, dans les années 1970 et 1980, quelques-unes des grandes pages de l’Orchestre de Paris. Il était donc légitime qu’un hommage lui soit consacré à l’occasion de ses quatre-vingt-dix ans, même si ces deux concerts ont pris un tour quelque peu inattendu. En effet, non seulement le chef italien ne fêtera en réalité son anniversaire que le 9 mai prochain, mais il a dû, pour raisons de santé, renoncer à se déplacer pour prendre part à cette célébration, qui présentait deux œuvres… qu’il n’a semble-t-il jamais dirigées, mais dont on pourra certes admettre sans peine qu’elles entrent en parfaite résonance avec le caractère éminemment spirituel de sa démarche artistique.


Dans le Stabat Mater (1926) de Szymanowski, Christoph Eschenbach accentue le caractère dépouillé et rugueux de cette partition typique de la dernière période du compositeur polonais, qui avait d’ailleurs projeté à l’origine un «requiem paysan». Plus que jamais, elle évoque ainsi deux monuments religieux presque exactement contemporains: la Symphonie de psaumes de Stravinski par son caractère hiératique et la Messe glagolitique de Janacek par son enracinement populaire. Les solistes (Michaela Kaune, Patricia Bardon et Stephen Salters) s’inscrivent dans cette vision, mais, comme toujours à Mogador, ils ne sont pas particulièrement avantagés par l’acoustique, d’autant qu’ils doivent souvent chanter en même temps que l’excellent chœur de l’Orchestre de Paris, qui démontre une belle homogénéité dans la redoutable intervention a capella que lui réserve la quatrième partie.


Après les déchirements de la Passion, c’est le paradis qu’annonce finalement le Stabat Mater. Et c’est un itinéraire comparable que décrivait la seconde partie du concert, avec la Quatrième symphonie (1900) de Mahler. Poursuivant ainsi un cycle qui a déjà permis d’entendre cette saison les Première (voir ici) et Troisième (voir ici) symphonies ainsi que Le Chant de la terre (voir ici) et Das klagende Lied (voir ici), Eschenbach adopte un parti pris assez inhabituel. Refusant de considérer cette symphonie à l’effectif et à l’esprit quasi mozartiens comme une relative exception dans l’univers mahlérien, il cultive au contraire tout ce qui la rapproche des plus ambitieux édifices du compositeur autrichien: grands épanchements, ironie grinçante du Scherzo, ampleur du tempo dans le Poco adagio. Disposant d’un outil exceptionnel en l’Orchestre de Paris, toujours en pleine possession de ses moyens, le chef allemand donne parfois l’impression de se laisser griser par sa science de l’orchestre et par les sonorités des musiciens, privilégiant, dans une réalisation brillante et spectaculaire, l’accident et le détail sur la continuité du discours. Dans le lied final, Michael Kaune, qui a revêtu une robe plus lumineuse qu’en première partie, impressionne par ses qualités techniques, mais l’affectation et les intentions dont elle charge sa partie étonnent compte tenu du propos enfantin et angélique qui est celui de ce mouvement.



Simon Corley

 

 

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