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Thank you, Mr. Ingo Metzmacher

Paris
Cité de la musique
03/10/2004 -  
Johann Sebastian Bach : Prélude et Fugue en mi bémol, BWV 552 (orchestration Schönberg)
Luciano Berio : Concerto pour deux pianos – Sinfonia

Katia et Marielle Labèque (piano), The Swingle singers
Orchestre national de France, Ingo Metzmacher (direction)


«Thank you, Mr. Ingo Metzmacher». Conformément à la tradition, c’est ainsi que le leader des Swingle singers remercie le chef à l’issue du troisième mouvement de la Sinfonia de Berio. Et le public parisien est largement en droit d’en faire autant.


En effet, après un premier concert qui restera sans doute longtemps gravé dans les mémoires (voir ici), Ingo Metzmacher emmenait à nouveau l’Orchestre national dans son répertoire de prédilection, la musique du XXe siècle, à l’occasion de l’ouverture, à la Cité de la musique, d’un cycle Berio/Bach. Confrontation inattendue, quoique brillamment défendue par Gianfranco Vinay dans les notes introductives, et qui permettra en tout cas d’entendre notamment jusqu’au 21 mars prochain Laborintus II, Coro, Circles et une sélection de Sequenze, d’une part, des cantates, des motets, des extraits de L’Art de la fugue (dans l’orchestration de Scherchen) et la Passion selon Saint-Jean, d’autre part.


Pour la première étape de ce cycle, Bach était représenté par l’orchestration qu’Arnold Schönberg effectua en 1928 des gigantesques Prélude et Fugue qui, respectivement, ouvrent et ferment la troisième partie de sa Clavier-Übung (1739). Le travail de Schönberg, contemporain de ceux de Respighi et Stokowski sur d’autres pièces pour orgue, a, par la fragmentation des phrases entre divers pupitres, davantage à voir avec ce que Webern allait faire, quelques années plus tard, du Ricercar de L’Offrande musicale. Comme pour ses arrangements d’un Concerto grosso de Haendel et d’un Concerto pour violoncelle de Monn, l’instrumentation est imposante, avec des percussions aux scintillements surprenants. Et l’on se souvient que Berio aimait à diriger les orchestrations de pièces de Frescobaldi réalisées à la même époque par son maître Ghedini. Ce qu’obtient Metzmacher est, une fois de plus remarquable: allégement des textures dans le Prélude, conduite des voix dans la Fugue, c’est du grand art.


Par coïncidence, les deux partitions de Berio inscrites à ce programme avaient été commandées, en leur temps, par l’Orchestre philharmonique de New York. Créé sous la direction de Boulez, le Concerto pour deux pianos (1972-1973) entend renouveler le style concertant, tant par sa construction (une longue cadence qui introduit un mouvement unique d’une durée de vingt-cinq minutes) que par son écriture (des soli de l’orchestre – flûte, violon, clarinette, alto, violoncelle, piano – dialoguent avec le duo de pianos). Le rapprochement avec les concertos pour deux ou plusieurs claviers de Bach serait hasardeux, mais on n’en prend pas moins plaisir à retrouver les coups de griffe emblématiques des sœurs Labèque, qui savent aussi faire preuve d’un toucher subtil, particulièrement dans les accords «impressionnistes» et répétitifs de la cadence initiale. L’étonnement laisse place au sourire lorsque les pianistes interprètent, à quatre mains et avec force mimiques, l’un de leurs bis favoris, une brévissime Polka sans prétention… d’Adolfo Berio (1847-1942), le grand-père du compositeur.


D’un langage proche du Concerto pour deux pianos, en particulier dans le raffinement des textures orchestrales, la Sinfonia (1967-1969) jouit bien entendu d’une toute autre notoriété. Commandée pour le cent vingt-cinquième anniversaire de la Philharmonie de New York, elle n’en fait pas moins partie de l’histoire de l’Orchestre national, qui l’a enregistrée il y a vingt ans sous la direction de Boulez. Enchaînant les cinq mouvements, Metzmacher, au-delà de la finesse et de la précision qu’on lui connaît déjà (deuxième et quatrième mouvements) en propose une vision plus combative et âpre qu’hédoniste ou décorative (troisième et cinquième mouvements), conférant ainsi une actualité nouvelle au contenu contestataire et aux enjeux politiques, philosophiques ou sociaux de cette œuvre à nulle autre pareille.


On retrouvait également ici avec plaisir les Swingle singers dans l’un de leurs chevaux de bataille. Malheureusement, même si Sinfonia doit aussi se comprendre comme une fusion des instruments et des voix, la sonorisation leur est trop défavorable et l’on perd ainsi regrettablement une grande partie des textes. Mais, à la grande joie du public qui avait rempli la Grande salle de la Cité de la musique, l’octuor vocal anglais livrera un de ces bis dont il a le secret, une virtuose adaptation jazzy, contrebasse et batterie comprises (et mimées), de Bach. De Berio à Bach, à nouveau.



Simon Corley

 

 

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