|
Back
Grand répertoire Paris
Théâtre Mogador
03/03/2004 - et Jeudi 4 mars 2004
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 34, K. 338 – Concerto pour piano n° 23, K. 488
Johannes Brahms : Symphonie n° 4, opus 98
Claire-Marie Le Guay (piano)
Orchestre de Paris, Jerzy Semkow (direction)
Familier des formations parisiennes – Orchestre de Paris (voir ici), Orchestre national de France (voir ici) et Orchestre philharmonique de Radio France (voir ici et ici) – Jerzy Semkow était à nouveau à la tête de l’Orchestre de Paris pour une confortable incursion dans le grand répertoire au sein d’une saison qui fait la part belle au XXe siècle et aux créations.
Quelques jours après sa première symphonie viennoise, la Trente-cinquième («Haffner»), à l’Orchestre national (voir ici), l’occasion était donnée d’entendre la plus rare Trente-quatrième (1780) de Mozart, ultime symphonie salzbourgeoise, sans doute moins personnelle et aboutie, avec les archaïsmes d’une forme en trois mouvements comprenant un Andante di molto più tosto allegretto réservé aux seules cordes. On y insère d’ailleurs parfois un Menuet autonome, datant de 1782 (K. 409 [383f]), tandis que le manuscrit fait apparaître les quatorze premières mesures – biffées – de celui que le compositeur avait envisagé de lui destiner. Semkow s’en tient à la version courte et à un orchestre relativement allégé, bien que Mozart ait salué une exécution au cours de laquelle étaient notamment réunis des vents doublés, six bassons, dix altos, huit violoncelles et dix contrebasses. Cela étant, il retient une conception traditionnelle, aux tempi amples, aux basses solides, un rien massive et raide, manquant de rebond, mais qui ne disconvient pas nécessairement à cette œuvre où l’ut majeur sonne dans toute sa pompe et sa grandeur.
Dans le Vingt-troisième concerto pour piano (1786) de Mozart, Claire-Marie Le Guay fait preuve d’un remarquable respect de la partition, gommant l’essentiel des aspérités tant dans les mouvements extrêmes, fins et nerveux, que dans le célèbre Adagio central, où le caractère mat, détimbré de sa sonorité produit un résultat étrange, aux confins de l’indifférence et de l’épure, de la froideur et du détachement. Dans le Menuet final de la Cinquante-neuvième sonate (1790) de Haydn, bis chronologiquement judicieux, elle démontre à nouveau une maîtrise irréprochable du style classique.
Comme il y a presque exactement quatre ans avec l’Orchestre philharmonique de Radio France (voir ici), Semkow surprend dans la Quatrième symphonie (1885). Plutôt que de mettre en valeur l’architecture de ce monument symphonique, culminant dans le tour de force formel que constitue la Passacaille finale, il en donne une lecture intuitive et rhapsodique, appuyée sur un effectif désormais substantiel (soixante-huit cordes) et dont l’intérêt semble aller croissant au fil des mouvements. Opulent, puissant, manquant toutefois un peu de souffle, l’Allegro non troppo cède parfois à quelques effets théâtraux, comme ces cinq derniers mi martelés sur deux timbales. Imposant plus que tourmenté, l’Andante moderato laisse la place à un Allegro giocoso d’une force impressionnante. Mais la vision hétérodoxe du chef français trouve son aboutissement dans un Allegro energico e passionato erratique, d’une extériorité et d’une expressivité démesurées, tandis que la partie centrale laisse la place à une atmosphère quasiment mozartienne.
L’acoustique de Mogador n’éclaire pas toujours la densité du discours brahmsien, mais l’Orchestre de Paris, nullement déconcerté, au demeurant, par la battue très personnelle de Semkow, n’y est évidemment pour rien: misère d’un orchestre toujours en attente de son propre auditorium… mais pas orchestre de misère, tant il apparaît au contraire comme celui qui, dans la capitale, se montre le plus régulier à un tel niveau de qualité. Nul doute qu’une telle prestation, en présence du maire de Paris, Bertrand Delanoë, ne sera pas tombée dans l’oreille d’un sourd.
Simon Corley
|
