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Reconstitution

Paris
Théâtre Mogador
02/02/2004 -  et 5, 8* février 2004
Marcel Landowski : Le Fou

Nora Gubisch (Isadora), François Le Roux (Peter Bel), Jean-Luc Chaignaud (le Prince), Jean-Pierre Furlan (Artus), Salomé Haller (le Feu), Yuri Maria Saenz (soprano solo), Aurélie Youlia, Olivier Follet (voix enregistrées)
Chœur du Théâtre du Châtelet, Michel Tranchant (chef de chœur), Orchestre de Paris, Pascal Rophé (direction)
Giuseppe Frigeni (mise en scène et lumières), Grégory Pignot (créateur infographique en temps réel), Jean-Luc Soret( collaborateur à la scénographie multimédia), Amélie Haas (costumes)


Souvent présenté comme chef de file, pour partie à son corps défendant, d’une «arrière-garde» opposée à une «avant-garde» conduite par Pierre Boulez, son cadet de dix ans, mais surtout grand organisateur de la vie musicale française dans les années 1960, Marcel Landowski (1915-1999) fut, entre autres, cofondateur de l’Orchestre de Paris avec Charles Münch et vice-président du Théâtre du Châtelet. Ces deux institutions lui rendent hommage en programmant pour trois représentations... au Théâtre Mogador le deuxième mais aussi le plus célèbre de ses six opéras, Le Fou (1953-1956), drame lyrique en trois actes et cinq tableaux. Le livret, écrit par le compositeur lui-même, typique de ses préoccupations humanistes et philosophiques, est centré sur la question de la responsabilité du savant face à ses découvertes. Bien que datant de 1941-1942, il a naturellement acquis une résonance encore plus forte dans l’après-Hiroshima.


Si sa construction est aussi ramassée que celle de Wozzeck (trois actes et quatre-vingt-dix minutes) et son propos aussi désespéré que celui des Soldats, Le Fou se rattache musicalement à l’expressionnisme du dernier Honegger, sombre et tendu, inquiet et angoissé, contrapuntique et rythmé. L’orchestre, de taille relativement réduite (deux flûtes, hautbois, deux clarinettes, basson, deux cors, deux trompettes, trombone, tuba, percussion et cordes), est cependant augmenté d’un piano et d’ondes Martenot. Le chant alterne avec le parlé, certains dialogues étant d’ailleurs préenregistrés, avec une superbe qualité d’écriture des ensembles, comme, au deuxième acte, la scène de Peter Bel avec le feu, la cornue et les chiffres.


Dès lors, plutôt que de rallumer de vaines et anciennes querelles esthétiques en condamnant l’œuvre comme vieillie, il vaut probablement mieux considérer qu’elle est typique d’un lieu et d’une époque, avec par exemple le recours aux ondes Martenot, les bruits d’une bande enregistrée, un chœur final très «Prix de Rome» ou une déclamation compassée qui peut sans doute irriter. Mais le tout est dramatiquement efficace et parfaitement adapté au sujet.


Comme l’action de ce quasi-oratorio se situe davantage sur un plan psychologique que théâtral, une solution intermédiaire entre la version de concert et la représentation scénique, telle que celle retenue par cette production de Giuseppe Frigeni, se justifie donc pleinement. Le centre du plateau est occupé par les musiciens, tout de noir vêtus et entourés, sur trois côtés, par une étroite plate-forme en surplomb, sur laquelle les chanteurs peuvent se mouvoir, tandis que la percussion et une trentaine de choristes sont relégués sur la gauche, presque en coulisses.


L’unique élément de décor consiste en un ordinateur portable posé sur un guéridon de plexiglas, symbolisant le travail du scientifique. Grâce à la «création infographique en temps réel» de Grégory Pignot et à la «scénographie multimedia» de Jean-Luc Soret, deux écrans viennent enrichir le dispositif: l’un, véritable mur d’images, occupe tout le fond de scène, l’autre, plus petit, l’avancée de la plate-forme sur la droite. S’y succèdent entre autres des sortes d’écrans de veille fixes ou mobiles, la retransmission en direct du spectacle et des photographies en noir et blanc, le tout concourant pleinement à créer un univers froid, impersonnel et sinistre. Les costumes d’Amelie Haas sont à l’avenant, sobres et intemporels, à l’exception du manteau rouge d’Isadora. Réduite au plus strict minimum, la mise en scène refuse quasiment toute confrontation entre les personnages, qui se contentent le plus souvent de parcourir lentement l’avant de la scène ou de se déplacer autour de l’orchestre, sur la plate-forme.


Bien qu’affligée d’un bruit de soufflerie audible dès que le flux sonore se calme, cette production tient également en grande partie par sa réalisation musicale. Parfois couverts par l’orchestre, notamment lorsqu’ils se trouvent à l’arrière du plateau, les quatre rôles principaux n’en sont pas moins excellemment tenus: François Le Roux donne toute son épaisseur au caractère tourmenté de Peter Bel, Nora Gubisch convainc dans la partie intensément lyrique dévolue à Isadora, Jean-Luc Chaignaud fait preuve d’une belle autorité en Prince et Jean-Pierre Furlan campe un Artus déplaisant à souhait, jusque dans le timbre. Pascal Rophé dirige son équipe avec un engagement constant: le Chœur du Théâtre du Châtelet, préparé par Michel Tranchant et d’où sont issus les petits rôles chantés, ainsi que l’Orchestre de Paris, à la fois précis et coloré.



Simon Corley

 

 

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