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Du romantisme à la modernité

Paris
Théâtre Mogador
02/06/2004 -  
Robert Schumann : Manfred (Ouverture), opus 115
Edvard Grieg : Concerto pour piano, opus 16
Arnold Schönberg : Variations, opus 31
Igor Stravinski : Jeu de cartes

Leif Ove Andsnes (piano)
Orchestre de Paris, Jonathan Nott (direction)


Chef principal de l’Orchestre symphonique de Bamberg depuis janvier 2000 et directeur musical de l’Ensemble intercontemporain entre 2000 et 2003, Jonathan Nott était invité à l’Orchestre de Paris pour une soirée copieuse et intéressante, mais à la cohérence incertaine et aux deux parties soigneusement contrastées: au romantisme de la première succédaient en effet deux visions très différentes de la modernité des années 1920 et 1930.


Plus raide, appuyée et nerveuse que passionnée ou fiévreuse, manquant d’élan, comme plombée par des tempi lents et instables, par un effectif trop nombreux ou par un manque de répétitions, l’ouverture de Manfred (1851) de Schumann ne convainc pas pleinement, donnant trop souvent l’impression de se délayer en une sorte de poème symphonique.


Si l’on oublie parfois que Liszt a créé l’intégrale de la musique de scène pour Manfred, on sait en revanche qu’il a salué, près de vingt ans plus tard, le talent du jeune Grieg, qui était venu lui présenter son tout récent Concerto pour piano (1868). Alors que les Nordiques font actuellement les beaux jours du Festival Présences 2004 (voir par ailleurs sur le site), Leif Ove Andsnes vient interpréter le plus célèbre des concertos pour piano scandinaves. Le pianiste norvégien démontre, sans tapage, un ensemble impressionnant de qualités (puissance et légèreté, finesse du toucher, sûreté technique), mais sait également faire preuve d’une formidable musicalité (la cadence de l’Allegro molto moderato initial ouvre ainsi de véritable abîmes). Impeccablement construit, le concerto se déroule sans le moindre des débordements dont il est trop souvent victime, même si l’orchestre n’est pas toujours conduit avec subtilité. Andsnes offre en bis un retour à Schumann, avec la deuxième des trois Romances (1839), dans laquelle il atteint parfaitement la si difficile… simplicité (Einfach) prescrite par le compositeur.


Après une première partie aussi convenue (ouverture puis concerto romantique), on échappera pourtant à la symphonie qui conclut généralement ce type de programmes (Brahms, Tchaïkovski ou même Sibelius). Au lieu de cet enchaînement prévisible, le chef britannique, qui reste «premier chef invité» de l’Ensemble intercontemporain, a choisi deux œuvres pas si fréquemment données des deux grands «S» de l’entre-deux-guerres, qui, tout en s’opposant de manière on ne peut plus radicale, présentent quasiment toutes deux valeur de manifeste et s’enracinent profondément dans la tradition.


Au-delà de l’impression immédiate que l’un et l’autre peuvent susciter, c’est sans doute Schönberg qui, davantage que le Stravinski néoclassique, s’inscrit dans une continuité, en l’espèce avec l’esthétique romantique allemande du XIXe et du début du XXe. C’est d’ailleurs Furtwängler qui avait créé ses Variations opus 31 (1926-1928), où le motif BACH (sur lequel Liszt, décidément, avait lui-même écrit des variations) gagne progressivement tous les pupitres. A la tête d’un orchestre gigantesque (comprenant notamment bois par quatre ou cinq, quatre trombones, deux harpes, célesta, mandoline), quoique souvent employé avec une délicatesse et une parcimonie weberniennes, Nott, manifestement plus à son aise dans ce répertoire, donne une lecture convaincante de cette partition d’une redoutable complexité technique, même si la clarté de la polyphonie (peut-être en raison de l’acoustique) laisse quelquefois à désirer dans les variations «tuttistes» et si les variations «chambristes» se déroulent avec plus de rigueur que de fluidité.


Changement complet de décor, mais toujours la référence au passé (style néoclassique, citations de Rossini, J. Strauss et, si l’on veut, Ravel), avec Jeu de cartes (1936), court ballet de Stravinski. L’orchestre, particulièrement les bois – visiblement ravis de travailler avec Nott, dont l’approche ne manque effectivement pas de tranchant et de mordant – s’en donne à cœur joie, dans un tonitruant feu d’artifice.



Simon Corley

 

 

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