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Textes et musique

Paris
Maison de Radio France
02/02/2004 -  
Philippe Hersant : Concerto pour violoncelle n° 2
Nils Henrik Asheim : Chants du vent (création)
Serge Nigg : Visages d’Axël


Cyrille Tricoire (violoncelle), Julie Cordier (récitante)
Chœur norvégien de jeunes filles, Barbro Karita Grenersen (chef de chœur), Opéra junior de Montpellier, Valérie Sainte-Agathe (chef de chœur), Orchestre national de Montpellier, Juraj Valcuha (direction)


Devant un auditorium Olivier Messiaen à nouveau bien rempli, Présences 2004 se poursuivait avec trois œuvres qui ont en commun d’être inspirées par un texte (scénario, poésie ou roman), chacune d’entre elles n’en possédant pas moins sa propre conception de la relation entre texte et musique.


Depuis l’origine, l’Orchestre national de Montpellier est associé au Second concerto pour violoncelle (1996-1997) de Philippe Hersant, dont il fut le commanditaire et le créateur. On se réjouit donc qu’il soit «monté» à Paris pour l’interpréter avec son violoncelle solo, Cyrille Tricoire, et son «jeune chef assistant», le Slovaque Juraj Valcuha, remplaçant in extremis le Sud-africain Gérard Korsten, souffrant. La partition, dédiée à Jian Wang, est fondée sur le scénario d’un film que Fellini n’a finalement jamais réalisé, mais qui a néanmoins fait l’objet d’une bande dessinée de Milo Manara, Il Viaggio di G. Mastorna, contant l’équipée extraordinaire d’un violoncelliste dans l’au-delà.


Avec un tel point de départ, la tradition du genre concertant s’imposait de façon naturelle, en permettant, sans nécessairement opter pour un parti pris purement descriptif, de mettre en scène un personnage principal (le soliste) et son environnement (l’orchestre). A défaut de description, c’est cependant de narration qu’il est question dans ce concerto d’un seul tenant (trente-sept minutes). En effet, des épisodes très différents se succèdent, à la manière du Don Quichotte de Richard Strauss, mais à l’intérieur desquels, comme souvent chez Hersant, le matériau, «obsessionnel» sans être répétitif stricto sensu, évolue relativement peu. L’ensemble se présente donc de manière résolument rhapsodique, à la manière de ces grands Chôros concertants de Villa-Lobos –violoncelliste de formation, au demeurant – qu’il rappelle parfois également par son instrumentation flamboyante et son allure débridée. L’orchestre requiert un effectif de type romantique – quoique sans timbales, mais avec piano et percussion assez fournie – et certains pupitres viennent régulièrement dialoguer avec le violoncelle dans l’esprit d’une cadence: tour à tour les violoncelles, les bassons, les flûtes et, dans un moment d’un beau dépouillement, le hautbois solo. Mais le versant sombre, voire énigmatique, de ce récit musical rappelle un autre Second concerto pour violoncelle, celui de Chostakovitch.


Autre rapport, nécessairement plus immédiat, avec les mots, pour la création de ces Chants du vent (2003) de Nils Henrik Asheim (né en 1960), qui fut élève d’Olav Anton Thommessen et de Ton de Leeuw. D’une durée de dix-sept minutes, cette commande de Radio France (en partenariat avec le Fonds norvégien des compositeurs) met en musique trois poèmes (1992) de Jon Fosse (né en 1959) et fournit aux formations de jeunes filles ainsi qu’à la tradition chorale scandinave une nouvelle occasion de briller au cours de ce festival. Au Chœur norvégien de jeunes filles (dirigé par Barbro Karita Grenersen), qui chante le texte dans un style populaire (ou le récite parfois), se joint par ailleurs le groupe vocal Opéra junior de Montpellier (sous la houlette de Valérie Sainte-Agathe), auquel sont simplement dévolus des sons. Paradoxalement, l’atmosphère à la fois sauvage et chaleureuse du poète norvégien est peut-être le mieux traduite par le troisième larron, c’est à dire l’orchestre: tantôt employé par grands blocs statiques, tantôt émietté, subtil et chatoyant, tantôt véhément et brutal, il s’exprime longuement dans deux interludes à la fois puissants et lumineux. De ce fait, la complexité foisonnante des instruments contraste avec à la relative simplicité de la trame tissée par les deux chorales: cette coexistence originale, directe et séduisante de trois discours a priori incompatibles, outre qu’elle démontre le dépassement – typique de l’école nordique – des oppositions stérilisantes et réductrices en termes de catégories («tonal», «atonal», «sériel», …), ne s’autorise pas pour autant d’excessives concessions à la facilité.


Tel était déjà le propos de Serge Nigg il y a près de quarante ans, également inspiré par la littérature, en l’espèce Axël, qui fut, pour Villiers de l’Isle-Adam (1838-1889), le roman (inachevé) de toute une vie. Le compositeur, qui fêtera ses quatre-vingts ans en juin prochain, en a donné sa vision symphonique dans un diptyque de vingt-quatre minutes, intitulé Visages d’Axel et créé en 1967 sous la direction d’Antal Dorati, dont on oublie trop souvent aujourd’hui non seulement qu’il fut un grand chef, mais qu’il s’était attaché à défendre la musique de son temps (il suffit de penser à ce que lui doit la Septième symphonie d’Allan Pettersson, un Suédois qu’il aurait été intéressant d’entendre à l’occasion de cette édition de Présences). Des trois partitions de la soirée, c’est probablement celle qui tend le plus vers la musique pure, d’une poésie intense et suffocante, au lyrisme expressionniste et insaisissable, en des élans toujours renouvelés, suscitant de grandes vagues incandescentes. Sous la direction précise de Juraj Valcuha, l’Orchestre national de Montpellier, avec notamment un excellent pupitre de cors, rend pleinement justice à cette écriture orchestrale somptueuse, typiquement française, et offre ainsi, pour reprendre le titre d’une autre grande réussite de Nigg, de véritables Fastes de l’imaginaire.



Simon Corley

 

 

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