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Superbe reprise

Montreal
Salle Wilfrid-Pelletier
01/31/2004 -  et les 5, 7, 9, 11 et 14 février 2004

Giacomo Puccini: La Bohème



Marie-Josée Lord (Mimi), Marc Hervieux (Rodolfo), Gianna Corbisiero (Musetta), Jeffrey Kneebone (Marcello), Phillip Addis (Schaunard), Stephen Morscheck (Colline), Claude Grenier (Benoît/Alcindoro), Pascal Charbonneau (Parpignol), Étienne Dupuis (1er douanier), Sébastien Ouellet (2e douanier)

Brian Deedrick (mise en scène)
John Conklin (décors)
Claude Girard (costumes)
Guy Simard (éclairages)
Jean-Marie Zeitouni (chef de chœur)

Orchestre Métropolitain du Grand Montréal et Chœur de l’Opéra de Montréal
Yannick Nézet-Séguin (direction)


Dans une récente entrevue accordée à Radio-Canada, Yannick Nézet-Séguin qualifiait La Bohème de Puccini de «plus grand opéra quant à la musique, au déroulement dramatique, au livret.» Malgré l’immensité de la déclaration et l’inévitable subjectivité de la chose, force est d’admettre que l’on a bien envie d’adhérer aux vues du jeune chef montréalais, après le retour sur les planches de cette Bohème qui s’avère être un réel bonheur à voir et à entendre.


Pour le vétéran amateur d’art lyrique, il est rare que tel ou tel aspect d’une production ne vienne obscurcir l’ensemble du tableau, jetant ombrage sur tel ou tel autre élément d’intérêt, à quelque niveau que ce soit. On se trouve cette fois devant un spectacle magnifique, ou tout (ou presque) semble en adéquation presque symbiotique avec l’esprit de l’ouvrage, le produit final se dévoilant comme la conjugaison idéale de réussites plus que satisfaisantes tant au point de vue vocal que théâtral ou strictement musical, et définissant ce qui est probablement une des meilleures moutures que l’Opéra ait offertes ces dernières saisons.


Pour en avoir beaucoup entendu parler depuis quelque temps, et bien sûr en des termes fort élogieux, on attendait beaucoup de la nouvelle venue Marie-Josée Lord en Mimi, pour qui on peut pratiquement parler de triomphe lors de l’ouverture samedi dernier, et dont on nous annonce déjà le retour pour la saison prochaine. L’œil est tout de suite charmé par cette physionomie qui rappelle instantanément la jeune Grace Bumbry; là s’arrête la comparaison cependant. Lord projette un superbe soprano lyrique, d’une puissance plus qu’enviable, également capable de bouleversante retenue, solide et rond dans les assises du grave, aux couleurs multiples et séduisantes. L’on ne cesse de s’émerveiller devant un phrasé si naturel et tout simplement poignant, de même que devant des piani d’une remarquable beauté. Sa Mimi est un émouvant mélange de douce candeur, de sensibilité, d’émerveillement et de déchirante résignation face au destin. Il faut reconnaître cependant que la largeur du vibrato dans l’aigu peut agacer, à plein volume du moins, même si l’on est chez Puccini. Malgré cela et devant tant de qualités (à un si jeune âge !), on peut lui prédire une carrière qui aura tôt fait de porter d’innombrables fruits.


Le Rodolphe de Marc Hevieux est tout aussi accompli, et c’est avec grand plaisir qu’on le retrouve chez nous après de fort honorables succès à l’étranger, notamment en Alfredo à Saint-Pétersbourg sous la direction de Gergiev. Quelques fâcheux problèmes d’intonation en début de soirée sont vite oubliés. L’aigu est brillant et sonore, l’ampleur du coup de gueule fort à-propos ici, rappelant d’une certaine façon Marcelo Alvarez à son meilleur. Bien que s’imposant peut-être moins comme acteur, sa composition au dernier acte est parfaitement convaincante. Jeffrey Kneebone en Marcello et Gianna Corbisiero en Musetta connaissent tout deux une excellente soirée et se révèlent vocalement crédibles et dramatiquement touchants.


L’on se doit d’insister sur l’importance capitale de la scénographie et de la direction d’acteurs dans la réussite de cette production. Bien que repris du spectacle de 1999, les costumes de Claude Girard sont toujours aussi charmants, les décors importés de San Diego étant du plus grand intérêt. Rarement le Café Momus aura-t-il paru si bouillonnant, si évocateur de frivolité et de plaisirs; on est frappé par le symbolisme de la gigantesque verrière qui illumine la mansarde des artistes, aux premier et dernier actes. Brian Deedrick à la mise en scène fait des merveilles (scène du loyer, bal improvisé à l’acte 4) et parvient à instaurer du début à la fin un climat exquis de tristesse dans la pauvreté, de joie et d’émerveillement face aux petits plaisirs éphémères et fragiles d’une vie toujours instable, et recrée magnifiquement l’atmosphère fatale et pourtant heureuse de ces Scènes de la vie de bohème qui sous-tendent le livret.


Finalement, Nézet-Séguin dans la fosse anime un orchestre en très grande forme, véritable force mouvante participant au drame à chaque instant. On a droit à des nuances d’un lyrisme irrésistible et de saisissants solos. Chapeau !



Renaud Loranger

 

 

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