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Un spectacle total

Zurich
Opernhaus
12/13/2003 -  et les 16*, 19, 27 et 30 décembre 2003, ainsi que les 2 et 6 janvier 2004
Richard Strauss: Elektra
Marjana Lipovsek (Klytämnestra), Janice Baird (13.11)/Nadine Secunde (16.11)/Eva Johansson (Elektra), Melanie Diener (Chrysothemis), Rudolf Schasching (Aegisth), Jukka Rasilainen (Orest), Guido Götzen (der Pfleger des Orest), Irini Kyriakidou (die Vertraute), Karen Vourch’h (die Schleppträgerin), Andreas Winkler (ein junger Diener), Matthew Curran (ein alter Diener), Margaret Chalker (die Aufseherin), Julia Oesch (1. Magd), Katharina Peetz (2. Magd), Irène Friedli (3. Magd), Liuba Chuchrova (4. Magd), Sen Guo (5. Magd)
Choeur et Orchestre de l’Opéra de Zurich, Christoph von Dohnanyi (direction)
Martin Kusej (mise en scène)

A l’opéra, rares sont les représentations qui laissent le public satisfait à tout point de vue. Pour certaines productions, on préfère fermer les yeux, tant ce qui se passe sur scène est affligeant, alors que pour d’autres, on se demande comment la direction a bien pu engager tel chanteur ou tel chef. Bref, l’osmose parfaite entre l’aspect visuel et la partie musicale ne se fait pas tous les soirs, loin s’en faut. C’est pourtant ce qui arrive ces jours sur la scène de l’Opernhaus de Zurich, avec Elektra. Grâce à Martin Kusej et Christoph von Dohnanyi, scène et fosse sont à l’unisson pour offrir un spectacle total.

Le rideau s’ouvre sur un long couloir en perspective, avec une enfilade de portes capitonnées de chaque côté (décor de Rolf Glittenberg). Les portes s’ouvrent, faisant entrer une lumière crue. S’avancent alors de jeunes filles portant des vêtements modernes aux couleurs vives, tirant des valises à roulettes. Elles en sortent des habits noirs de domestiques et se changent. Parmi elles, on distingue quelques travestis qui brandissent des menottes et des fouets. L’une des servantes paiera très cher son attachement à sa maîtresse, puisqu’elle se fera tuer par ses collègues. Puis Elektra apparaît enfin, en pantalon de sport et pull à capuche. Elle se fige contre un mur et attend… Dès les premiers instants, cette production choc fascine, vissant littéralement les spectateurs à leurs fauteuils. Tout au long du spectacle, d’autres images fortes viendront se superposer aux premières: l’entrée de Chrysothemis au fond du couloir, dans un halo de lumière blanche, comme dans un rêve; l’apparition d’Egisthe en mafieux libidineux, gros et gras, portant des lunettes noires et de nombreux colliers, un pistolet à la main; une multitude de personnages nus traversant le plateau, complètement désemparés; une petite fille blonde qui vient doucement prendre la main de l’héroïne, miroir de l’innocence perdue; la longue attente d’Oreste, aussi intensément désiré qu’un amoureux, jusqu’au délire de la scène finale: des danseurs de samba avec plumes et paillettes se trémoussent sur les derniers accords: Elektra ne meurt pas, mais doit se taire et danser. En fin de compte, où est-on? Dans un hôtel, un asile, un bordel ou dans l’antichambre de la folie? Qui est Elektra? Une jeune fille de notre époque qui n’a rien connu de la vie que la violence? Le grand mérite de Martin Kusej est d’avoir non seulement donné un sacré coup de jeune à la tragédie des Atrides, mais aussi réussi une mise en scène captivante et particulièrement suggestive, laissant néanmoins de nombreuses portes ouvertes, comme autant de questions que chacun peut se poser à son gré. Une ovation a accueilli la fin du spectacle. Que de chemin parcouru depuis le scandale qui avait entouré sa Salomé sur cette même scène il y a deux ans. Le futur directeur du théâtre du festival de Salzbourg est aujourd’hui sans conteste l’un des metteurs en scène les plus intéressants.

Comme déjà dit, les acclamations qui ont salué cette représentation revenaient tout autant à Christoph von Dohnanyi, qui, parfaitement en phase avec la mise en scène, a fait vibrer le public par de violentes explosions sonores, un véritable ouragan orchestral s’abattant sur la petite salle zurichoise. Le chef n’a pas pour autant négligé la clarté et la précision et n’a jamais couvert les chanteurs. Il a aussi su rendre admirablement les nombreux passages lyriques de la partition, où la passion l’emporte sur la colère et la haine. Engagée pour interpréter le rôle-titre, Eva Johansson est tombée malade après la générale. La remplaçante prévue ne faisant pas l’affaire, c’est Janice Baird qui, arrivée à Zurich le jour même, a chanté le soir de la première, sans avoir eu le temps de répéter avec l’orchestre. Elle a obtenu un véritable triomphe. La deuxième représentation a été assurée par Nadine Secunde, qui elle aussi a fait forte impression pour s’être totalement investie dans le personnage, comme si elle avait bénéficié des six semaines de répétitions. Eva Johansson devrait chanter les représentations suivantes. Visuellement et vocalement, la Chrysothemis de Melanie Diener est à l’opposé de sa sœur: vêtue de blanc, elle cherche à vivre sa vie de femme malgré tout, avec beaucoup d’émotion et de tendresse dans la voix. La Clytemnestre de Marjana Lipovsek, à la diction parfaite, respire la peur: serait-elle en réalité la victime? Face à ce trio féminin de tout premier plan, les hommes semblent en peu en retrait. Une soirée comme on voudrait en voir beaucoup sur les scènes d’opéra.



Claudio Poloni

 

 

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