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Une grande musicienne! Paris Salle Gaveau 12/06/2003 - Airs de Verdi, Rossini… Annick Massis (soprano)
Orchestre Pasdeloup
Marco Zambelli (direction). La soprano Annick Massis, après une superbe carrière dans le répertoire baroque, prouve une fois de plus ses affinités avec le bel canto au travers d’un magnifique récital en compagnie de l’orchestre Pasdeloup et du chef italien, Marco Zambelli. Au programme, les plus grands airs italiens que la chanteuse française défend avec éclat et distinction aux quatre coins du monde.
Comme c’est bien souvent le problème dans ce type de récital, les airs tirés d’opéras interprétés sur scène sont toujours bien plus convaincants et vivants que les autres. Annick Massis a souvent chanté Lucia, et encore dernièrement au Met avec un immense succès, et cela se sent car elle paraît dégagée, libre et entièrement au service de la musique. On peut voir sa physionomie et son visage évoluer avec sa voix et elle dessine un personnage en quelques notes. Elle fait de l’héroïne de Donizetti une femme déjà atteinte par la douleur et qui sait que son avenir sera sombre. Le “mostrarsi” est un vrai cri de douleur qu’elle tire de sa voix de poitrine.
La même remarque s’applique également à l’air extrait de Maria di Rohan, puisqu’elle a chanté cet opéra à Genève en 2001. Dès sa rentrée sur scène pour l’interpréter, on la sent convaincue et sa voix se montre plus ferme, plus pleine. Cet extrait vient après un air d’Attila correct mais un peu frustrant et on voit alors la musicienne, enfin, dépasser la chanteuse et, créer une atmosphère.
La voix d’Annick Massis a beaucoup évolué ces dernières années et si le medium, qu’elle avait déjà très beau, s’arrondit, elle ne perd en rien sa capacité à vocaliser et elle rend à Rossini, et à ses partitions si virtuoses, toutes ses lettres de noblesse. Peut-on rêver Sémiramide plus vocalisante? Ses aiguës sont des sortes de gouttes de cristal habitées et qui viennent se déposer dans la salle. De plus elle diffuse une énergie interne qui trouve son aboutissement dans la note finale tenue jusqu’à ce que l’orchestre termine la cadence finale. Ce qui est assez remarquable aussi dans sa manière de chanter c’est la parfaite homogénéité de sa voix, on ne perçoit pas du tout les notes de passage ni les différences entre les registres quand elle se lance dans une gamme montante. En l’écoutant, on a l’impression de retrouver quelques intonations de Maria Callas ou du moins sa vision d’approche de la musique et des airs. Même si les timbres sont bien sûr différents, il existe certains points communs comme la petite fragilité qui rend sa Lucia si vivante.
En bis et pour le plaisir pur de la musique, elle offre la valse de Juliette de l’opéra de Gounod et on assiste à un véritable feu d’artifice vocal même si le français ne semble pas toujours intelligible. Elle reprend également le “merci, mes amis” des Vêpres Siciliennes et le réussit bien mieux que dans le concert peut-être parce qu’elle adopte un tempo plus rapide ce qui confère un dynamisme plus musical.
Marco Zambelli est un chef honnête, efficace et qui ne manque pas d’une certaine sensibilité musicale. Mais l’orchestre, même si les musiciens mettent une énergie indéniable, n’est pas toujours à la hauteur des exigences du chef et, par exemple dans la montée dans la première partie de l’ouverture de La Forza del Destino, les violons n’arrivent pas tous ensemble à la fin. Une fois ces quelques réserves émises, il convient de souligner que Marco Zambelli privilégie presque constamment un tempo assez vif et donne ainsi un tonus intéressant à certaines oeuvres: il attaque l’ouverture de l’opéra de Verdi sans ménagements ou bien il insuffle une vivacité lors de l’ouverture de Guillaume Tell. Il se montre également attentif à Annick Massis - il la suit plus qu’il ne l’accompagne - , cette dernière ayant apparemment décidé de chanter et de ne pas se préoccuper des intentions de l’orchestre.
Il est très agréable de retrouver cette immense artiste en récital et fait regretter d’autant plus que l’Opera de Paris ne l’invite pas plus. Elle assumerait à merveille des oeuvres peu jouées en France de Donizetti ou de Rossini et permettrait de les redécouvrir dans les meilleures conditions.
A noter:
- on retrouvera Annick Massis au Théâtre des Champs-Elysées en février 2004 où elle interprète le rôle-titre de Sémélé de Haendel sous la direction de Marc Minkowski et dans une mise en scène de David McVicar. Manon Ardouin
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