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Vaines polémiques

Paris
Maison de Radio France
11/15/2003 -  
Richard Dubugnon : Six nouveaux arcanes symphoniques, opus 30 (création)
Magnus Lindberg : Concerto pour clarinette (création française)
Jean Sibelius : En saga, opus 9 – Symphonie n° 7, opus 105

Kari Kriiku (clarinette)
Orchestre philharmonique de Radio France, Mikko Franck (direction)


Le festival «Paris de la musique» (voir par ailleurs ici, ici et ici), avait invité Mikko Franck, directeur musical de l’Orchestre national de Belgique depuis mai 2002, pour un programme copieux (plus d’une heure quarante) et difficile (une création, une création française, puis Sibelius, encore peu familier de nos orchestres). Assis, usant d’une battue dynamique mais sobre, le jeune chef finlandais (vingt-quatre ans) convainc visiblement les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France tout au long de la soirée.


Plus ambitieux que Jeu de cartes de Stravinski, les Arcanes symphoniques de Richard Dubugnon entendent «mettre en musique» les vingt-deux «arcanes majeurs du tarot de Marseille», destinés à être joués non dans leur intégralité, mais à par groupes de cinq ou six, choisis délibérément ou au hasard par le chef, «ce qui confère à l’œuvre un sens différent à chaque interprétation». Cinq pièces avaient déjà été conçues dans le cadre aphoristique imparti par l’émission Alla breve sur France Musiques et créées, l'année dernière, au Festival «Présences» (voir ici). Le compositeur en présente aujourd’hui six nouvelles, certes plus évocatrices que descriptives, mais ne dissimulant pas la tentation d’une efficacité expressive immédiate: Le Jugement, intimidant, faisant la part belle aux cuivres; La Mort, entre déploration et inquiétude, avec un sinistre glas final; La Tempérance, un rien ironique, où les bois se livrent à des traits agiles; Le Diable, annoncé par une flûte ensorceleuse, mais surgissant des cuivres et de la percussion, dans une sorte de Danse infernale de L’Oiseau de feu; L’Amoureux, la plus brève des six, où le violon solo conduit une sorte de valse nostalgique; Le Soleil, enfin, sorte d’hymne à la Messiaen, dont la conclusion, forcément radieuse, tient davantage du Poème de l’extase.


Remarquablement orchestré – pour une formation très fournie, dans laquelle les bois doivent d’ailleurs, un temps, abandonner leur instrument pour souffler dans des bouteilles de verre vides – cet ensemble, stylistiquement à mi-chemin entre L’Appel du feu de Connesson, créé la semaine précédente (voir ici), ou les laconiques Totems de Philippe Schoeller (voir ici), qui faisaient cependant preuve d’une toute autre ambition, n’a évidemment pas pour objectif de révolutionner le cours des choses. Alors que Dubugnon vient saluer, quelques voix, dans le public, se font l’expression, au mieux, d’une déception, au pire, de querelles dont on pensait qu’elles appartenaient à un autre âge: «Convention! Ringard!», puis «La naïveté n’est pas un crime, c’est une erreur!», auquel un spectateur rétorque: «La connerie aussi». Du coup, les acclamations redoublent, même si l’orchestre semble partagé entre convaincus et sceptiques.


Magnus Lindberg est venu assister à la création française de son Concerto pour clarinette (2002), une partition de grande ampleur (vingt-sept minutes d’un seul tenant, écrites pour un effectif important), dans laquelle on reconnaît son écriture vibrionnante et foisonnante ainsi que son goût pour le choral, tout en identifiant des éléments nouveaux, qu’il s’agisse d’un plus grand souci apporté à la continuité du discours ou de grandes envolées mélodiques évoquant curieusement Turangalîla-Symphonie de Messiaen. Créateur de l’œuvre, Kari Kriiku en est à nouveau ici l’interprète: le style du compositeur finlandais, tour à tour volubile, espiègle et lyrique, sied admirablement à la clarinette, d’autant que le soliste, d’une prodigieuse virtuosité, s’y engage de façon ostensiblement physique et théâtrale, donnant vie à chaque note, particulièrement dans la cadence finale, qui visite spectaculairement tous les mode de jeu de l’instrument (suraigu, micro-intervalles, harmoniques, sons produits par les clés…). Le public réagit aussi favorablement qu’à Dubugnon, les protestations en moins.


Dans En saga (1892/1902) de Sibelius, Mikko Franck, précis et concentré, déclenche et contrôle les déferlements orchestraux, dans une approche naturelle, dépourvue d’effets de manche, qui semble couler de source. Avec la Septième symphonie (1924) en revanche, plus olympienne ou hiératique qu’expressive, il ne fera sans doute pas oublier la formidable tension qu’obtenait Janowski, en son temps, avec le même orchestre, dont la qualité instrumentale, particulièrement la plénitude des cordes, mérite toutefois d’être soulignée.


Ce concert sera retransmis sur France Musiques le mercredi 19 novembre à 20 heures.



Simon Corley

 

 

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