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Un Américain à Paris

Paris
Théâtre Mogador
10/31/2003 -  
Béla Bartok: Le Mandarin Merveilleux (Suite), opus 19
Jean Sibelius: Concerto pour violon, opus 47
Antonin Dvorak: Symphonie n° 8, opus 88

Vadim Repin (violon)
UBS Verbier Festival Youth Orchestra, James Levine (direction)


Le musicien d’orchestre, à l’opposé du bon vin, perdrait-il de sa verve en prenant de l’age ? Est ce qu’en vieillissant, y aurait-il une mystérieuse réaction chimique qui ferait que le musicien se fonctionnarise ? C’est ce que l’on pourrait se demander lorsque l’on voit avec l’engagement, la concentration et la fougue des jeunes musiciens, qu’ils appartiennent au Mahler Jugend Orchester, à l’Orchestre de jeunes de l’Europe où plus près de nous à l’orchestre du Conservatoire de Paris ou les musiciens de l’UBS Verbier Festival Youth Orchestra.


Il est vrai que faire partie de ces ensembles et de celui-ci en particulier a de quoi motiver : beaucoup de prétendants doivent auditionner pour faire parti du petit nombre d’élus, des conditions de travail exceptionnelles avec les chefs des pupitres de l’Orchestre du Met de New York, des chefs et des solistes de premier plans, le tout sous l’égide d’un sponsor dont on peut imaginer l’étendue de sa générosité. Il ne faut pas s’y tromper, ces musiciens risquent de ne plus jamais retrouver de telles conditions de travail par la suite. Sans doute en ont-ils conscience, car les résultats sont là : une sonorité riche et homogène, des instrumentistes solistes de grande qualité et le sentiment d’œuvres très très bien répétées. La petite harmonie est remarquable et les cordes font preuve d’une homogénéité, d’une couleur et d’un volume que nombreux orchestres français pourraient envier.


La beauté du son et la maîtrise technique sont également des qualités présentes chez Vadim Repin au plus haut point. La sonate d’Ysaÿe qu’il donne en bis ou la redoutable cadence du premier mouvement du Concerto de Sibelius sont des vrais tours de force. Pourtant la musique ne décolle pas. A quoi bon faire preuve d’une telle maîtrise technique lorsque si elle ne sert pas une pensée musicale ? Son phrasé est plat sans imagination pour que la musique ne trouve pas son amplitude et sa respiration. Dans une autre génération, les Stern et autres Oïstrakh nous ont montré comment transcender cette musique avec bien plus de musicalité et de chaleur.


Ce n’est pas le cas des deux œuvres qui encadrent le concerto. Il faut revenir à l’exécution que dirigeait il y a trois ans Pierre Boulez à la cité de la musique avec... l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler pour avoir un Mandarin merveilleux aussi maîtrisé. A nouveau, une œuvre aussi exigeante bénéficie d’avoir été l’objet de nombreuses répétitions. La direction et la battue très claire de James Levine permettent aux musiciens de se lâcher avec confiance. La clarinette solo si exposée dans cette pièce est très brillante et la solidité des cordes permet de très beaux équilibres avec les cuivres lors des nombreux tuttis. Cette œuvre montre cependant les limites du Théâtre Mogador. C’est une salle de bonne taille pour du Haydn, du Mozart ou le premier Beethoven, un peu petite pour Sibelius ou Dvorak mais elle sature pour une œuvre de la puissance du Bartok.


James Levine est peu connu en France. A ma connaissance, c’est la deuxième fois qu’il se produit à Paris, la première fois étant pour remplacer en 1994 au pied levé Carlo Maria Giulini souffrant lors d’une tournée avec la Philharmonie de Vienne dans un concert manifestement peu répété et décevant. Il est le directeur musical du Metropolitan Opera de New York depuis une trentaine d’années et la travail qu’il a réalisé a fait du Met une des premières scènes mondiales. Son orchestre est devenu de loin au fil des ans la meilleure phalange new-yorkaise, si ce n’est de tout le continent américain. Son style musical est fondamentalement très naturel. Il n’y a rien de forcé dans ses phrasés et ses tempi. Il fait partie des très rares chefs qui savent faire respirer un orchestre et obtenir le meilleur d’eux sans donner l’impression d’imposer son style. Ce n’est pas par hasard si de nombreux chanteurs ont fait l’éloge de ses capacités d’accompagnateur et que rien moins qu’une Leonie Rysanek l’ai comparé à un Karl Böhm. Dans la symphonie de Dvorak, l’orchestre est aéré, tous les pupitres s’écoutent et se répondent avec naturel et chaleur, montrant la richesse de l’écriture polyphonique du compositeur tchèque. Le phrasé est très musical, les changements de tempi merveilleusement réalisés, en particulier dans le troisième mouvement dont le thème est annoncé avec beaucoup de retenue et s’anime imperceptiblement.


James Levine est âgé et il va concentrer encore plus ses activités aux Etats-Unis puisqu’il va remplacer Seiji Ozawa à la tête de l’Orchestre symphonique de Boston à compter de la saison prochaine. Ce concert a montré sans ambiguïté la profondeur de son talent. Il aura sûrement l’occasion de tourner avec son nouvel ensemble en Europe et il faut souhaiter qu’il fasse dorénavant de Paris une de ses escales régulières.



Antoine Leboyer

 

 

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