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Un fauteuil pour deux

Paris
Théâtre du Châtelet
10/25/2003 -  
Johann Nepomuk Hummel : Concerto pour trompette
André Jolivet : Concerto pour trompette n° 2 (*)
Charles Chaynes : Concerto pour trompette n° 1 (**)

Olivier Bombrun (*), Raphaël Dechoux (**), Ibrahim Maalouf (*), Giuliano Sommerhalder (*) (trompette), Orchestre national d’Ile-de-France, direction : Mark Foster


Comme feus Menuhin et Rampal en leur temps, comme Rostropovitch ou Martial Solal, Maurice André donne son nom, de son vivant, à un concours international parrainé par la Ville de Paris, qui en est aujourd’hui à sa cinquième édition en vingt-quatre ans. Quarante et un candidats âgés de dix-huit à vingt-huit ans, originaires de vingt pays, voilà une affluence, conjuguée à celle du public, qui comble le trompettiste français, cependant tout juste remis d’une opération au genou: il faut en effet le voir, avec sa légendaire faconde et sa bonne humeur communicative, commenter les événements depuis la corbeille et, lors de la remise des prix, se poser en patriarche d’une joyeuse corporation de musiciens dévoués à un instrument qui, pour être le plus ancien du monde, n’a pas acquis le même statut que, par exemple, le violon ou le piano.


Pourtant, les quatre artistes retenus pour la finale après trois épreuves de sélection, comprenant l’interprétation d’une œuvre spécialement composée pour l’occasion par Roger Boutry, vont amplement démontrer l’injustice de cette réputation, dont Maurice André s’amuse lui-même, bien qu’il ait déjà largement contribué à sortir l’instrument de son ghetto, comme lui-même était sorti des mines gardoises. Autre motif de satisfaction pour l’Alésien: parmi ces quatre finalistes, on retrouve trois des sept Français inscrits au départ.


Au cours de cette finale, chaque concurrent devait présenter deux concertos: un «imposé», celui de Hummel, et, au choix, soit le Second concerto pour trompette, vents, piano et percussion (1954) de Jolivet, soit le Premier concerto pour trompette et orchestre de chambre (1958) de Charles Chaynes (présent dans la salle), deux partitions que Maurice André défendit tout au long de sa carrière.


Déjà bardé de prix prestigieux mais lesté par le redoutable privilège de se présenter en premier, le Suisse Giuliano Sommerhalder (dix-huit ans) – qui joue par cœur ses deux concertos – place d’emblée la barre très haut, tant d’un point de vue technique (assurance, vélocité, qualité des attaques et du legato – quel trille au début du mouvement lent du Concerto de Hummel!) que musical (jouant des contrastes entre le martial et le lyrique chez Hummel, restituant parfaitement l’esprit du terrible Second concerto de Jolivet).


Après le benjamin, l’aîné des quatre, Raphaël Dechoux (vingt-huit ans): privilégiant une sonorité plus claire et une approche plus équilibrée dans Hummel, où, apparemment plus tendu, il est toutefois moins heureux que son prédécesseur, il est le seul à choisir le Premier concerto de Chaynes – peut-être un peu moins exigeant que celui de Jolivet, quoique combinant également brio, rythme et chant – qu’il défend avec engagement et autorité.


Ibrahim Maalouf (vingt-deux ans) révèle sans doute la personnalité la plus affirmée et la plus expansive de l’après-midi: très à l’aise, d’une remarquable précision, il donne probablement la meilleure version du Concerto de Hummel, optant pour un tempo plus rapide qui réveille l’Allegro con spirito et réussissant un Andante très expressif. Les mêmes qualités se retrouvent chez Jolivet, où sa prise de risque n’est hélas pas toujours récompensée, à son dépit manifeste, notamment dans le Giocoso final.


Olivier Bombrun (vingt-deux ans), qui a préféré disposer de la partition dans les deux concertos, propose un Hummel solide, sage, très contrôlé, un rien raide, et aborde Jolivet avec la même prudence, pour se tirer, mieux que les deux autres candidats, de ses pièges d’écriture et en livrer une vision ironique et glaciale.


C’est à l’Orchestre national d’Ile-de-France, dirigé par Mark Foster (depuis un continuo à l’utilité douteuse, dans le Concerto de Hummel, où les bois sont en outre inhabituellement placés au premier rang), qu’il revenait d’accompagner les finalistes, tâche dont ils s’acquittent avec compétence et enthousiasme, vu la difficulté du programme (notamment Jolivet, qui ne ménage pas beaucoup plus le petit ensemble orchestral que le soliste).


Le jury, composé – outre Maurice André, président, et Roger Boutry – de la fine fleur de la trompette internationale (Ole Edvard Antonsen, Eric Aubier, Gabriele Cassone, Reinhold Friedrich, Anthony Plog, Guy Touvron et Roger Voisin), qui, même s’il se prononce naturellement au vu de l’ensemble des épreuves, paraît respecter la logique de cette finale: grand prix ex aequo pour Maalouf (par ailleurs vainqueur du prix Feeling musique pour la richesse de la sonorité) et Sommerhalder, troisième prix pour Bombrun et quatrième prix pour Dechoux. La cérémonie, marquée par la présence de Christophe Girard, adjoint au maire de Paris chargé de la culture et ponctuée de commentaires à la bonne franquette du président du jury face auxquels Claude Samuel, président du concours, a le mérite de conserver son sérieux, est la moins… cérémonieuse que l’on puisse attendre de ce genre de circonstances, à l’image de la débonnaire générosité d’un homme auquel la musique aura tout donné.


Après le concert des lauréats le 26 octobre à Enghien et un concert de gala autour de Maurice André le 27 octobre au Palais des congrès, rendez-vous… en 2007 pour la prochaine édition.



Simon Corley

 

 

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