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Redécouverte et reconnaissance d'une oeuvre magnifique!

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/07/2003 -  
Antonio Vivaldi: Orlando furioso
Marie-Nicole Lemieux (Orlando), Jennifer Larmore (Alcina), Veronica Cangemi (Angelica), Philippe Jaroussky (Ruggiero), Mariana Pizzolato (Bradamante), Guillemette Laurens (Medoro), Lorenzo Regazzo (Astolfo)
Ensemble Matheus
Jean-Christophe Spinosi

Avec la recréation de l’Orlando Furioso s’ouvre au Théâtre des Champs-Elysées un nouveau cycle consacré à Antonio Vivaldi. Ce projet qui s’étendra sur plusieurs saisons a pour vocation de faire connaître et redécouvrir des oeuvres inexplorées, voire perdues, du compositeur vénitien. Pour cette partition, Jean-Christophe Spinosi et le musicologue Frédéric Delaméa se sont appuyés sur un manuscrit autographe turinois et ont tenté de restituer la sinfonia manquante et deux airs (de Ruggiero et d’Alcina).



La distribution est de haut vol et contribue à rendre toutes ses lettres de noblesse à cette oeuvre trop peu connue. Dans le rôle-titre qui a échue à la canadienne Marie-Nicole Lemieux (à la suite de l’annulation de Nathalie Stutzmann), cette jeune chanteuse, découverte et reconnue grâce à sa triomphale victoire au concours Reine Elisabeth de Belgique, est époustouflante de virtuosité et d’intensité dramatique. Elle conquiert immédiatement la salle avec son premier air très vif et très difficile dans lequel elle se donne au maximum. Mais c’est surtout dans la scène de folie du 3ème acte qu’elle se montre le plus extraordinaire. De connivence avec le chef, elle installe une petite mise en scène puisqu’elle évolue sur la scène du théâtre, danse, fait déplacer des personnages et entraîne Jean-Christophe Spinosi à reprendre son violon pour en jouer quelques notes. Le rôle d’Orlando lui convient parfaitement et sa voix étonne par sa puissance, sa clarté et sa parfaite diction. En outre, en tant que véritable contralto, ses graves sont soutenus et imposants. Une grande comédienne et une grande chanteuse!
Veronica Cangemi ne commence pas très bien le concert mais se rattrape dès son deuxième air. La partition est peut-être un petit peu trop grave pour elle et ce n’est qu’au moment de la scène de la folie d’Orlando où elle chante un passage bref mais charmant que l’on retrouve la clarté et la brillance de sa voix et surtout son timbre propre. Elle ne cherche pas à faire des effets et reste très respectueuse de la partition de Vivaldi et, comme toujours, séduit par la plénitude de sa voix.
Guillemette Laurens campe un amoureux attentionné et délicat. Sa voix, certes, n’est plus celle de Cybèle d’Atys mais elle garde cette musicalité et cette intériorité qui font reconnaître cette chanteuse parmi tant d’autres. Là aussi, le rôle semble trop grave pour elle et parfois on éprouve quelques difficultés à distinguer ses notes à travers l’orchestre. Mais ces minces réserves s’évanouissent en entendant toute la puissance dramatique qu’elle prodigue à certains sons.
Philippe Jaroussky, qui avait triomphé il y a deux ans dans La Verita in Cimento, trouve dans le rôle de Ruggiero de très beaux airs qui permettent d’entendre sa voix suave et éthérée. Elle ne cesse, d’ailleurs, d’évoluer et ses graves commencent à se développer, au détriment peut-être de ses aigus qui restent toutefois toujours aussi impressionnants. En revanche sa musicalité continue à mûrir et à chaque concert il enrichit son approche de la musique et les personnages commencent à prendre forme dans sa voix. Vivaldi est un compositeur qu’il chante très souvent et qui lui convient parfaitement car il se montre tout aussi à l’aise dans les arias di tempesta que dans les airs plus dramatiques et donc plus lents, mais aussi plus beaux.
Lorenzo Regazzo, Claude récemment dans Agrippina sur cette même scène, confirme l’excellence de sa voix et de son interprétation. Il semble ne faire aucun effort pour chanter et se joue de toutes les difficultés de son texte. Vivaldi demande beaucoup au niveau du souffle et le chanteur arrive à couper au milieu d’une vocalise mais sur un decrescendo et reprend ensuite sur un crescendo, ce qui atténue fortement cette coupure: il en ressort un effet dramatique. Jennyfer Larmore, au contraire, n’hésite pas à arrêter net la vocalise et à reprendre sur un fortissimo, ce qui est assez inaudible et de mauvais goût.
Mariana Pizzolato, appelée à la rescousse pour interpréter Bradamante, se sort très honorablement de son rôle. Sa voix n’est pas très typée mais elle a un beau duo avec Philippe Jaroussky.
Reste le problème que pose la participation de Jennyfer Larmore dans ce concert. Elle semble très mal à l’aise et cela se ressent sur son interprétation. Même si la mezzo a déjà chanté dans quelques productions baroques comme Jules César, elle n’est pas forcément une chanteuse typiquement baroque. Sa voix est trop lourde et pas assez souple pour dégager une émotion propre dans le répertoire vivaldien. Dans le premier air qu’elle chante, elle manque de souffle et son interprétation ne mène nulle part. Elle semble aussi assez étrangère à la grammaire baroque notamment dans les cadences puisqu’elle se trouve constamment en décalage avec l’orchestre, soit trop tôt, soit trop tard.
Jean-Christophe Spinosi et son ensemble Matheus sont en passe de devenir de grands spécialistes de Vivaldi et leur triomphe à l’issue de la soirée était à la hauteur du plaisir ressenti par les spectateurs. Le chef est toujours aussi vigoureux et vif et il fait merveille dans les passages qui demandent de l’énergie. Certes, mais son contact prolongé avec Vivaldi lui permet de développer de nouvelles harmonies et surtout de nouveaux tempi et il sait donner de magnifiques pianissimi, comme dans la sinfonia. Les différents pupitres sont excellents et principalement les violons. A noter le solo du flûtiste Jean-Marc Goujon, modèle de pureté et d’intelligence.



Espérons que de nouvelles redécouvertes tout aussi passionnantes seront à l’affiche des théâtres non seulement parisiens mais aussi nationaux dans les années à venir et que l’effort conjugué de plusieurs ensembles aussi talentueux que l’ensemble Matheus ou l’Europa Galante permettra d’étudier et d’envisager la musique de Vivaldi sous un angle différent et nouveau.



A noter:
- le cycle se poursuit cette saison avec l’Orlando finto pazzo le 17 décembre cette fois sous la direction de Alessandro de Marchi avec V. Cangemi, L. Polverelli…, avec le Gloria le 14 mai de nouveau avec l’ensemble Matheus et, entre autres, S. Mingardo. Enfin le 17 mai, un concert mixte rassemblera des oeuvres de Haendel et de Vivaldi
- un enregistrement de l’Orlando furioso est prévu et paraîtra dans la collection Opus 111 mais avant, France Musiques diffusera ce concert le 8 novembre prochain à 19h30.


Manon Ardouin

 

 

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