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Tel père, tel fils?

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/10/2003 -  

Richard Strauss : Capriccio (scène finale), opus 85 – Le Bourgeois gentilhomme, opus 60
Robert Schumann : Symphonie n° 2, opus 61

Felicity Lott (soprano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Philippe Jordan (direction)


Pour ce programme chargé, qui rappelait les grandes heures de l’ère Janowski (Schumann, R. Strauss), c’est à Philippe Jordan que l’Orchestre philharmonique de Radio France avait été confié. Pour le directeur musical de l’Opéra et de la Philharmonie de Graz, il s’agit encore de se faire un prénom, du moins à Paris, puisque, à l’image de Carlos Kleiber, Paavo Järvi, Emmanuel Plasson ou Stefan et Thomas Sanderling, il n’est autre que le fils d’un chef célèbre (Armin Jordan, lui-même habitué de Radio France, et qui dirigera l’Ensemble orchestral de Paris dès ce 21 octobre).


Usant d’une gestuelle plus extravertie que celle de son père et évoquant tour à tour le bretteur ou le toréador, Philippe Jordan se démarque de façon tout aussi claire quant au style de direction. Son Bourgeois gentilhomme (1912) de Richard Strauss n’a effectivement que peu à voir avec l’enregistrement qu’en fit Armin il y a une vingtaine d’années: vigoureux et contrasté, plus espiègle que gracieux, d’une raideur pince-sans-rire, il force le trait, au détriment de la délicatesse et de la subtilité de la partition.


Trente ans plus tard, Capriccio (1941) propose, dans sa scène finale, une sorte d’antithèse à la conclusion de Salomé ou même, si l’on veut, du Crépuscule des dieux, en ce que le livret laisse ouverte la question qui se situe au cœur de l’opéra: «d’abord la musique, ou d’abord les paroles?». Soutenue par un orchestre imposant (soixante cordes) et sorti de la fosse, mais maintenu sous contrôle par le chef... et par le compositeur, Felicity Lott montre qu’elle n’a rien à envier aux gloires qui l’ont précédée dans ce rôle (Schwarzkopf, Janowitz) et délivre une véritable leçon de chant: diction soignée, puissance sans jamais avoir à forcer, pureté du timbre, intelligence du texte et perfection de la ligne de chant dans ces longues phrases dont Strauss a le secret.


Dans la Deuxième symphonie (1846) de Schumann, Philippe Jordan déroute. Au sens propre, car il ne se contente pas de la routine et impose jusque dans leurs conséquences les plus extrêmes des choix que, faisant preuve d’un métier très sûr, il sait mettre en œuvre avec détermination. Rien à voir avec la vision endiablée qu’en donnait Sado avec le même orchestre il y a six ans. Hormis dans le Scherzo, il remet à plat le texte, ne cherchant pas la beauté du son mais optant pour une approche analytique, saturée de détails et d’intentions qui sont autant d’éclairages nouveaux et personnels, voire narcissiques, mais dont la cohérence et, surtout, la continuité n’apparaissent pas toujours clairement. Il est vrai que la symphonie témoigne, selon les propres termes du compositeur, d’une «époque difficile», ce qui peut justifier dans une certaine mesure la fragmentation du propos. Cette lecture privilégie cependant la violence sur la passion, la nervosité sur la folie, les à-coups sur l’élan d’ensemble, avec une certaine tendance au manque de naturel – des phrasés pour le moins atypiques, aux accents souvent très marqués – et aux procédés, comme cette manière de souligner un crescendo par un subito piano préalable. Particulièrement étirés, les tempi lents (Sostenuto assai du premier mouvement, Adagio espressivo) et, plus généralement, cette interprétation hors normes exigent beaucoup de l’orchestre qui – à l’exception d’un pupitre de trompettes particulièrement malchanceux, par deux fois, dans son intervention liminaire – obéit au doigt et à l’œil et semble convaincu par la démarche du chef.



Simon Corley

 

 

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