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Véritable début de saison

Montreal
Salle Wilfrid-Pelletier
09/24/2003 -  
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Marche solennelle du couronnement, Concerto pour piano no 1 en si bémol majeur, op. 23, Symphonie no 6 en si mineur, op. 74 «Pathétique»
André Laplante (piano)
Orchestre symphonique de Montréal, Vassily Sinaisky (direction)



Le Festival Tchaïkovski bat son plein à l’OSM; après un fastueux gala d’ouverture et un concert mettant en vedette Viviane Hagner dans le concerto pour violon, on nous offre maintenant comme pièce de résistance l’archi-connu Concerto pour piano n° 1, œuvre jouée et revisitée un nombre incalculable de fois s’il en est une, une des œuvres les plus populaires de tout le répertoire, et assurément le concerto de piano le plus connu du grand public.


Si le concert d’ouverture nous avait laissé un peu sur notre faim, voici ce qu’il conviendrait d’appeler la véritable inauguration de la saison de l’Orchestre. Une fois de plus, la salle était pleine, et pour cause : bien que relativement peu connu chez nous, le chef Sinaisky est directement associé à la musique de son pays natal; Laplante, de son côté, demeure un des artistes canadiens les plus appréciés au Québec, et son nom est tout aussi associé au célébrissime concerto, depuis sa médaille d’argent au Concours Tchaïkovski en 1978. Succès de box-office, donc, et réussite artistique sur pratiquement tous les plans.


À la limite, la marche solennelle qui ouvre la soirée, entendue sous toutes réserves pour la première fois à l’OSM, est une pièce de circonstances plutôt banale. On sait cependant dès les premiers instants que l’on peut s’attendre à de belles choses dans les deux mastodontes qui vont suivre : Sinaisky remplit d’énergie ces quelques minutes de musique, et malgré l’acoustique fort capricieuse de la salle, l’image sonore est drôlement percutante.


De la même manière, on saisit dès les batteries d’accords initiales du concerto, que l’on s’embarque pour quelque chose d’assez exceptionnel. Laplante est un virtuose confirmé, dont la sensibilité ne disparaît jamais sous le poids de la technique. À ce double titre et malgré quelques accrocs mineurs, l’interprétation du pianiste est extraordinairement digitale et brillante, mue par une puissance et un souffle sensationnels qui seront présents du début jusqu’à la toute fin. Au surplus, Laplante produit une riche palette de couleurs et utilise remarquablement les aigus limpides de l’instrument, notamment au deuxième mouvement. La seule réserve que l’on peut émettre concernant cette interprétation ne relève pas vraiment de ses (grandes) qualités intrinsèques, ni même de l’approche globale de l’artiste, mais bien plutôt du côté plus «ponctuel» de toute exécution publique. On connaît Laplante et on sait fort bien de quoi il est capable; cette fois, le concerto se termine et malgré l’électricité qui parcourt la salle, on sait qu’on était un petit peu en dessous, juste un peu, comme si le grand virtuose s’était retenu, un petit peu, d’offrir une lecture sur le fil du rasoir. Sinaisky, de son côté, fut toujours attentif et a généré de l’orchestre un commentaire éloquent.


C’est dans la symphonie qui allait suivre que le chef russe donna la pleine mesure de lui-même. Cet homme est une merveille et un paradoxe à la fois. Sa direction est, avant tout, visuellement très frappante. Rares sont les chefs qui parlent autant aux musiciens qui se trouvent devant eux; dans le cas qui nous occupe, il s’agissait bel et bien d’un dialogue, voire d’un dialogue transcendé tellement la réponse de l’orchestre était immédiate et belle, tellement la fusion entre les deux semblait complète. Étonnamment, on sort de la salle avec une impression très forte, mais qui ne colle pas nécessairement à l’œuvre qu’on vient d’entendre. Sinaisky détaille beaucoup les choses, et le produit est fondamentalement éclatant. Séduisant, sans l’ombre d’un doute. À réfléchir, on se dit toutefois qu’on est passé à côté du pathos, de la tristesse qui aurait finalement due être ressentie. Ovation, méritée, de la part du public et des musiciens.





Renaud Loranger

 

 

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