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Labadie et Piau magnifient Mozart

Montreal
Salle Claude-Champagne
09/26/2003 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie no 38 en ré majeur «Prague», K. 504
Air de concert Ah, io previdi – Deh ! non varcar, K. 272
Air Ruhe sanft, mein holdest Leben, extrait de Zaide, K. 344
Grande Messe en do mineur, K. 427
(version révisée par H.C. Robbins Landon)

Sandrine Piau (soprano), Anita Krause (mezzo-soprano), John Tessier (ténor), Joshua Hopkins (baryton)
Orchestre de chambre Les Violons du Roy, Chœur de chambre La Chapelle de Québec, Bernard Labadie (direction)



C’est par ce qu’on pourrait appeler un «double happening » que s’est ouverte la nouvelle saison des Violons du Roy, orchestre de chambre jouant sur instruments modernes, mais fréquentant le répertoire baroque et classique plus que tout autre. D’une part, il fallait compter sur le retour parmi les siens du directeur artistique et fondateur de l’ensemble, Bernard Labadie, qui aura délaissé son bébé l’été dernier, le temps d’un Orlando de Handel à Glimmerglass, production portée aux nues tant par le public que par la critique. D’autre part, la présente tournée de concerts de l’ensemble constitue les débuts au Canada de la jeune et fort talentueuse soprano française Sandrine Piau, dont la réputation grandissante, soutenue par de récents enregistrements pour Virgin Classics, laisse présager d’une carrière étincelante.


Double événement, donc, et double contentement pour le public. Le programme de cette soirée était certes très dense, avec notamment une des symphonies les plus complexes du divin Wolfgang en guise d’ouverture, et une œuvre sacrée d’envergure après la pause, mais à la fois très excitant de par la présentation par Piau d’airs de concerts très rarement entendus. Lesdits airs, par contre, ne furent pas ceux initialement prévus; apparemment indisposée, la chanteuse remplaça les trois airs annoncés (les K. 369, 383 et 528, qui auraient pu constitué un brillant tour de force !) par les deux mentionnés ci haut.


De par son acoustique merveilleusement transparente, de même que par ses dimensions intimes, la salle Claude-Champagne se trouve être le cadre idéal à Montréal pour le genre de manifestation auquel nous étions conviés. Dès les premières notes de l’inhabituel adagio qui ouvre la symphonie, on célèbre la salle presque tout autant que la direction de Labadie. Dans cette musique difficile mais si belle, le chef fait montre de son extraordinaire sens du drame. Avec Labadie, tout, dans cette symphonie, est porté vers le théâtre, le caractère sombre du mouvement initial préfigurant nettement la noirceur des dernières scènes de Don Giovanni, transitant par un andante aux couleurs pastorales chatoyantes, avant de «revenir en arrière» vers un finale composé quelques années plus tôt et dont la filiation avec l’effervescente atmosphère des Nozze fait oublier le spectre de la Mort entrevu plus tôt. Malgré tout, chef et musiciens ne peuvent donner à cette musique ce qu’elle n’a pas. Même si on est proche, chronologiquement, de la Jupiter, on n’y est pas tout à fait arrivé…et on termine quand même l’audition en se disant que Mozart était meilleur à l’opéra que comme symphoniste.


Le moment fort de la première partie fut sans conteste l’exécution des airs de concert (il faut lire aussi de singspiel) par Sandrine Piau. Oublions quelques aigus légèrement éteints, que l’on peut attribuer à la condition physique momentanée de l’artiste : Piau projette une voix admirable de clarté, à l’aigu cristallin et au grave charnel, et communique un peu de cette espèce d’urgence du texte qu’on aime tant chez des chanteuses comme Kozena et Bartoli. Ceci fut spécialement intéressant dans la scène tragique, tandis que l’air allemand fut rendu avec beaucoup de finesse et de sentiment, de simplicité même. On peut toutefois regretter une certaine absence d’éclat, les airs en eux-mêmes n’étant pas spécialement éclatants de virtuosité. On sent à la limite une certaine retenue de la part de la cantatrice, retenue qui disparaîtra après l’entracte.


Il serait trop long de revenir en détails sur chaque partie de la Grande Messe. Dans l’ensemble, ce fut une grande réussite. Labadie y fut plutôt porté sur la rhétorique, sur la grandiloquence, que sur la contemplation. Soit, on peut vouloir descendre le sacré de son piédestal et le mettre au second plan. Opulence de l’orchestre et des chœurs (qui furent remarquables), insistance sur le dramatique, sur l’aspect théâtral, ici encore, l’influence de Handel et des napolitains toujours ressentie à un moment ou à un autre. Difficile de se prononcer sur les interventions des deux solistes masculins, réduites à la portion congrue de l’œuvre. Le timbre d’Anita Krause est chaleureux et velouté, se mariant superbement à celui de Piau dans le Domine Deus, mais on se demande par contre si le très ornementé Laudamus te, unique solo confié au mezzo, n’était pas un peu au-dessus de ses moyens. Il faut dire qu’ici le tempo adopté par Labadie était plutôt vif; plus de modération aurait peut-être arrangé les choses, sans dénaturé la musique.


Tout au long de la Messe, c’est Piau qui domine chez les solistes. De fait, les interventions du soprano couvrent la majorité des parties, et elle sera impeccable jusqu’à la toute fin. L’Et incarnatus est, morceau probablement le plus difficile d’exécution, fut un délice. On pardonne donc à la visiteuse son retrait initial, tant le produit final est beau.





Renaud Loranger

 

 

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