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Belle soirée d’ouverture

Montreal
Salle Wilfrid-Pelletier
09/20/2003 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Le Nozze di Figaro
Robert Gierlach (Figaro), Wendy Nielsen (La Contessa Almaviva), Russel Braun (Il Conte Almaviva), Karen Driscoll (Susanna), Daniel Lichti (Bartolo), Michèle Losier (Cherubino), Marion Pratnicki (Marcellina), Hugues Saint-Gelais (Basilio/Don Curzio), Julie Boulianne (Barbarina), Sébastien Ouellet (Antonio)
Bernard Uzan (mise en scène)
Allen Charles Klein (décors et costumes)
Orchestre Métropolitain du Grand Montréal et Chœur de l’Opéra de Montréal
James Meena (direction)


C’est par une très belle production que s’ouvre la 24e saison de l’Opéra de Montréal, qui est officiellement la première à avoir été planifiée par le chef d’orchestre Bernard Labadie, nouveau directeur artistique de la maison. Entièrement planifiée par Labadie ?...Non, bien sûr. Pour preuve, ces Nozze, programmées il y a quelque temps déjà par son prédécesseur Bernard Uzan, et dans lesquelles Labadie, par la force des choses, n’a pas eu grand chose à voir. Il faudra attendre la présentation de Thaïs, en novembre prochain, pour inaugurer le début véritable d’une nouvelle ère.


En attendant, c’est un spectacle fort réussi que l’on nous sert. Une production «traditionnelle», certes, mais très efficace. Les costumes et les décors sont très beaux, avec une toute petite réserve pour cette nuit étoilée au dernier acte qui fait penser, malgré toute la bonne volonté du monde, à un amas de lumières de Noël. Uzan, récemment interviewé dans les médias montréalais, a beaucoup insisté sur l’importance du contexte historique et politique de la création de l’œuvre, et ceci se répercute de façon manifeste dans les décors : la scène est divisée comme en deux pôles, deux immenses colonnes soutenant d’une part la Déclaration des droits de l’Homme, d’autre part la Déclaration d’indépendance américaine.


La distribution est magnifiquement homogène. Pour tous, les timbres vocaux collent parfaitement aux personnages. Pas d’erreur de casting donc, tant sur le plan vocal que théâtral, même si certains acteurs-chanteurs se détachent du lot. Le plateau est dominé par le couple seigneurial, qui fait preuve d’un extraordinaire sens de la caractérisation mozartienne. Russell Braun, interprète consacré de ce répertoire sur plusieurs grandes scènes, était superbement en voix à la prima. Wendy Nielsen a connu quelques entrées un petit peu difficiles, principalement affectées par un vibrato intrusif, mais ces écarts furent absolument comblés par la force dramatique de son interprétation, dont le point culminant fut un «Dove sono» à faire pleurer les pierres. Le Figaro de Robert Gierlach est tout aussi affirmé, et ce du début jusqu’à la toute fin. La caractérisation de Karen Driscoll semble plus compliquée, cependant, et relativement inégale. On imagine Susanna comme le pivot de l’intrigue, la soubrette sur qui repose la majeure partie de la supercherie. La nôtre fut plutôt dure à suivre au début, se ressaisissant progressivement au fur et à mesure que l’action avançait, mais sans jamais atteindre le degré de transcendance de ses collègues précédemment mentionnés, quelques aigus occasionnellement très durs n’aidant assurément pas. Il est évident qu’une certaine nervosité aura contribué à voiler la plénitude de son personnage.


Michèle Losier projette un délicieux mezzo; son Cherubino est très bon, mais on l’aurait souhaité plus intériorisé, plus fragile, plus tourmenté à la limite, même si l’idée d’un Cherubino très exalté et complètement fou est aussi défendable. Les rôles secondaires sont tous bien tenus, et la Marcellina de Marion Pratnicki est un chef-d’œuvre de composition. La direction de James Meena est souple, vivante et alerte, toujours au service de l’action qui se joue sur scène.


On peut, malgré toutes ces superbes qualités, se poser une ou deux questions sur certains aspects très spécifiques de la direction d’acteurs. Effectivement, ces Noces sont bel et bien un des chefs-d’œuvre absolus de l’opera buffa, mais on a eu l’impression, à quelques reprises, que l’on avait volontairement pris le parti du drôle sur le comique, du premier degré sur le second degré. Par exemple, on éclate presque de rire lors de la révélation de la filiation de Figaro, et chose surprenante, lorsque le comte demande finalement pardon à son épouse pour ses incartades. C’est comme si l’élément comique avait été exacerbé, dans ces deux cas, au point de devenir caricature de lui-même, alors que le sentiment se devrait pourtant d’être sincère.


Toutefois, il s’agit globalement d’un très beau produit. Sans doute l’absence momentanée de direction artistique à l’Opéra aura été responsable du flou marquant certaines productions des deux dernières années. On a cependant l’impression d’être définitivement de retour sur la bonne voie. Vivement donc ces Thaïs, Bohème et autres Barbe-Bleue qu’on ne peut attendre qu’avec impatience.





Renaud Loranger

 

 

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