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A demi-plein ou à demi-vide ?

Salzburg
Festspielhaus
08/26/2003 -  


Wolfgang Amadeus Mozart: Don Giovanni

Thomas Hampson (Don Giovanni), Ildebranco d’Arcangelo (Leporello), Anna Netrebko (Donna Anna), Melanie Diener (Donna Elvira), Isabel Bayrakdarian (Zerline), Kurt Moll (Le commandeur), Christoph Strehl (Don Ottavio), Luca Pisaroni (Masetto), Orchestre Philharmonique de Vienne, Chœur de l’ Opéra de Vienne, Nikolaus Harnoncourt, Martin Kusej (Mise en scène)

Giuseppe Verdi: Don Carlos

Ferrucio Furlanetto (Philippe II), Dwane Croft (Rodrigo), Johan Botha (Don Carlos), Kurt Rydl (le Grand inquisiteur), Adrianne Pieczonka (Elisabetta), Olga Borodina (Eboli), Martina Jankova (Tebaldo), Lubica Vargicova (une voix céleste), Orchestre Philharmonique de Vienne, Chœur de l’ Opéra de Vienne, Valéry Gergiev, Herbert Wernicke (Mise en scène)

Hans-Werner Henze: l’ Upupa ou le triomphe de l’amour filial

Mattias Goerne (Al Kasim), Alfred Muff (un vieil homme), John Mark Aisnley (le démon), Laura Aikin (Badi’at), Hanna Schwarz (Malik), Günter Missenhardt (Dijab), Axel Köhler (Adschib), Anton Scharinger (Gharib), Orchestre Philharmonique de Vienne, Chœur de l’ Opéra de Vienne, Markus Stenz, Dieter Dorn (Mise en scène)




L’an dernier, tout pouvait laisser croire qu’après plusieurs années du radicalisme voulu par Gérard Mortier, Peter Ruzicka n’allait pas orienter le Festival de Salzbourg vers les esthétiques pratiquées sous l’ère Karajan. La surprise de cette édition 2003 a été de nous montrer que cela n’est pas le cas : la musique contemporaine est fermement installée dans les programmes et le Festival s’est même offert un scandale comparable à celui crée par la production de la Chauve-Souris montée par Hans Neunfels en 2001 avec L’Enlèvement au Sérail revue et corrigée par la jeune Norvégien Stefan Herheim. Celui-ci a réécrit tous les passages parlés de l’œuvre qui bien sur n’a plus que de lointains souvenirs de l’ Opéra de Mozart. A tort ou à raison, le public a tellement vociféré contre les résultats qu’Ivor Bolton, le chef, a du interrompre la représentation pour calmer la salle. Fait unique dans les annales du Festival, le metteur en scène a été rappelé pour modifier sa mise en scène.


Il faut croire qu’il est vraiment difficile de monter Mozart à Salzbourg. Le souvenir des représentations dirigées les Böhm, Karajan et Muti sont encore dans la mémoire de nombreux festivaliers. Cela pousse sans doute chefs et metteurs en scène à vouloir faire coûte que coûte du neuf et cela donne hélas cette année une reprise de Don Giovanniqui est simplement une véritable catastrophe. Nicholaus Harnoncourt dirige le Don Giovanni le plus lent et le plus lourd qui soit: le spectacle qui commence à 19 h et finit à 23 h. Quelle héroïsme de la part des chanteurs de tenir des tempis aussi lents, en particulier le « Mi Tradi » de le pauvre Donna Elvira et les deux airs de Don Ottavio, complètement sacrifiés. Lorsque le chef consent enfin à adopter des tempis chantables, il couvre les chanteurs par des sforzandos exagérés aux cuivres et aux timbales, notamment lors du trio final Commandeur - Don Giovanni – Leporello. Il faut vraiment détester les chanteurs pour leur imposer de telles tortures. Quel gâchis surtout lorsque l’on constate la grande qualité du plateau vocal : Thomas Hampson est un Don Giovanni plein de panache quasi idéal, Anne Netbreko, une superbe Donna Anna qui confirme son talent après sa Traviata Munichoise et enfin l’excellent Lepollero d’ Ildebrando D'Arcangelo, valet plein de verve et si crédible dans le difficile deuxième acte où il endosse les habits de son maître. La mise en scène de Martin Kusej n’est pas non plus une grande réussite. Il y a quelques bonnes idées mais elles sont noyées sous une surcharge de figurantes, effets de lumières, … et surtout souffrent d’une absence réelle de conception. Voici une production à ferrailler de toute urgence et à surtout ne pas faire revenir lors du jubilée Mozart que le Festival prévoit pour 2006.


Quel soulagement de retrouver quelques jours après ce même Orchestre Philharmonique de Vienne dans le Don Carlos de Verdi sous la direction nerveuse, dramatique et racée de Valéry Gergiev. Fort de son expérience théâtrale, le chef Russe impose une conception dramatique et passionnée. La musique avance tendue par des tempis vifs et animés sans précipitations. Enfin et surtout, il sait trouver et respecter cette ligne de chant Verdienne, si pleine de noblesse et de plénitude. Il faut revenir à ce que faisaient un Carlos Kleiber dans Otello ou un Claudio Abbado dans Simon Boccanegra pour avoir un Verdi dirigé à un tel niveau. Même si le plateau vocal ne peut s’enorgueillir de stars, il n’y a rien d’étonnant à ce que les chanteurs se dépassent et se transcendent. Le rôle-titre est tenu par Johan Botha, qui en plus de ses qualités vocales trouve ici l’intensité du personnage, Feruccio Furlanetto n’a peut-être plus les moyens vocaux de se jeunesse et force par moment mais il a la dimension tragique et la paranoïa que demande Philippe II et enfin Dwane Croft, un Posa plein de noblesse. Du coté des femmes, Olga Borodina est sans conteste la mezzo dramatique du moment, son « Don Fatale » est tout simplement saisissant, enfin la Canadienne Adrienne Pieczonka possède une superbe ligne de chant et de très beaux aigus, rien d’étonnant qu’elle soit programmée l’an prochain pour le rôle de la Maréchale.


Ce spectacle est une reprise de la production réalisée par Herbert Wernicke en 1998. Elle permet de mesurer la perte artistique que représente sa disparition l’an dernier. Sa son conception est sombre, sobre et forte, une utilisation complète de la scène et de l’espace notamment lors des passages de foules, le jeu de pouvoir entre les personnages subtilement suggéré. Un tel succès ne serait pas possible si la mise en scène n’était pas à la hauteur et au diapason de la conception musicale. Si ce spectacle est un succès incontestable, les mérites en reviennent à la nouvelle équipe de Salzbourg pour la distribution mais il s’agit d’une reprise d’une production de 1998 et l’on sent ainsi la patte de Gérard Mortier, capable de l’intuition qui consiste à justement voir bein avant d’autres ce qu’un Wernicke peut apporter à une telle œuvre et à avoir pris le risque artistique de lui confier cette tache.


Là où une certaine unanimité s’est faite, c’est sur la part de la musique contemporaine. Il a ainsi été possible de bénéficier d’une vraie leçon de musique lors d’ une passionnante confrontation entre le Mahler de la 4e Symphonie et le Webern de la Passcaille op 1 et des Pièces op 10 et op 6,dirigés par Pierre Boulez avec l’ Orchestre Philharmonie de Vienne, de pouvoir entendre le Concerto pour violon de Ligeti avec l’ Orchestre Philharmonique de Berlin sous la baguette de Simon Rattle et surtout la création d’ Upupa où le triomphe de l’amour filial, le dernier opéra de Hans-Werner Henze.


Cette œuvre est une grande réussite. Le livret, écrit par le compositeur lui-même, raconte les pérégrinations de Kasim, qui parti à la recherche de l’oiseau magique que son père a perdu, qui domestiquera un démon ambigu et cocasse, trouvera l’amour en la personne d’une princesse, triomphera de multiples embûches mais finalement semblera avec un certaine ambiguïté préférer vie d’aventures plutôt que de revenir sagement au foyer familial, une sorte de Flûte enchantée où Tamino repartirait découvrir d’autres pays même s’il a gagné le cœur de Pamina. L’orchestre de Henze est très clair malgré la multiplicité des percussions et la présence de bande magnétiques. Mais c’est dans l’écriture vocale toute en finesse qu’éclate le grand talent du compositeur allemand, les ensembles n’étant pas sans évoquer l’art de son compatriote Richard Strauss.


Le soin apporté à la réalisation de cet opéra est typique du travail d’orfèvre dont Salzbourg nous a habitué. Dieter Dorn signe ici une de ses meilleures mises en scène, pleine d’invention, de dynamisme et de fantaisie, aidé par les superbes décors si imaginatifs de son compère Jürgen Rose. La distribution est sans faille, dominée par le trio de Kasim de Matthias Goerne, Laura Aikin, superbe Princesse aux aigus et surtout de l’excellent démon de John-Mark Ainsley. Les rôles secondaires sont sans faille avec en particulier une Hanna Schwarz pleine d’esprit.


Hans-Werner Henze a expliqué à quel point il a apprécié la collaboration avec Peter Ruzicka, lui-même chef d’orchestre et compositeur. Mais la question que l’on peut légitimement se demander au jugé de ces trois spectacles est de savoir si le Ruzicka musicien est à la hauteur du Ruzicka directeur de théâtre ?





Antoine Leboyer

 

 

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