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Les Vêpres sauvées par la musique

Paris
Opéra National de Paris Bastille
06/18/2003 -  21,25, 27, 30 juin, 5, 8, 11, 15 juillet
Giuseppe Verdi : Les Vêpres siciliennes
Sondra Radvanovsky (Hélène), Luise Callinan (Ninetta), Marcello Giordani (Henri), Anthony Michaels Moore (Montfort), Vitalij Konwaljow (les 18, 21, 25) / Feruccio Furlanetto (Procida), Luca Lombardo (Danieli), Mihajlo Arsenski (Thibault), Christophe fel (Robert)
Andrei Serban (mise en scène), Richard Hudson (décors et costumes), Mathew Richardson (lumières), chorégraphie (Laurence Fanon)
Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris, James (direction)

Le manque de répétitions dû à des grèves en interne, s’il explique les accidents d’éclairage et l’anarchie des mouvements d’ensemble ayant grevé cette première, ne change rien sur le fond : il est affligeant de voir, pour leur retour à l’Opéra dans la version française après cent - quarante ans de silence, les Vêpres abandonnées à leur triste sort par la mise en scène, alors même que leur dramaturgie littéraire et musicale à la fois novatrice et bancale exigerait une attention de tous les instants. L’évocation du colonialisme du siècle passé – avec l’Algérie en arrière plan subliminal – forme un argument de vente pertinent sur le papier, dont il était permis d’attendre beaucoup. Mais le travail d’Andrei Serban et Richard Hudson s’est visiblement arrêté là, paresse qui n’est malheureusement pas nouvelle (on se souvient de leur Khovantchina) mais déçoit plus de la part d’artistes de ce niveau que d’une Josée Dayan ou d’une Francesca Zambello, pour citer d’autres coupables des assassinats réguliers du répertoire italien auquel la Bastille aime à se livrer – et quant à Madame Fanon pour la chorégraphie, finalement écourtée du grand ballet, quatre désastres successifs dans cette maison devraient peut être la convaincre qu’il est temps de passer à autre chose. Résigné, le public unanime a accueilli la production par des huées plus méprisantes que furieuses ; elle ne méritait pas mieux, mais l’équipe musicale a vu ainsi abrégés les témoignages d’enthousiasme qu’elle n’avait pas volés. James Conlon, d’abord, a rarement combiné à ce point enthousiasme et efficacité, sa réussite rappelant les meilleurs moments de Lohengrin, Le Nain ou Perelà. Les décalages avec le plateau (et surtout le chœur) restent monnaie assez courante, mais l’élan du phrasé, la vitalité bien dosée des contrastes servent au mieux cette partition étonnante et inaboutie que le chef met toute sa passion à nous faire aimer. Gageons qu’au fil des soirées, l’orchestre trouvera les couleurs plus éclatantes et variées auxquelles il nous a ailleurs habitués.
Les chanteurs apparaissent tous à leur meilleur, y compris Marcello Giordani, toujours encombré de ses notes de passage, et dont le timbre se brise un peu au quatrième acte, mais bien plus sûr de la justesse que dans Guillaume Tell. Michaels Moore n’a pas aux extrêmes de la tessiture l’assurance et l’éclat qu’on attend du baryton Verdi, mais la ductilité du phrasé, l’aisance de la voix mixte et la diction expressive emportent l’adhésion. Les excellents seconds rôles mis à part (Lombardo et Fel en particulier), il est d’ailleurs le seul à qui ce compliment puisse s’appliquer, car malgré le travail de romain entrepris par Janine Reiss, la traduction italienne représentait sans doute la voie du pragmatisme en l’absence d’un plateau rompu à la langue française. Kowaljow remplace il est vrai Ramey initialement prévu, avec une voix ample, saine, généreuse en points d’orgues, et qui gagnera sans doute en subtilité avec le temps. Sondra Radvanovsky, si elle ne débute pas sur cette scène, y révèle ce soir son étonnant potentiel : le timbre couvre avec assurance la crucifiante tessiture de trois octaves et demi, même si le soutien paraît moins assuré dans le grave et si le haut médium, d’une luminosité très personnelle, comme l’aigu percutant font mieux valoir ses qualités. La justesse n’est pas toujours absolue, quelques vocalises et échelles chromatiques pourraient être mieux articulées, mais les capacités virtuoses n’en sont pas moins impressionnantes pour une voix de ce calibre, dont on goûte aussi la capacité à alléger, le goût très sûr des ornements et des nuances - trilles et diminuendi s’intègrent à un phrasé souple et à la pulsation toujours juste. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, ces richesses vocales et musicales s’allient dans le chant à une expression noble et véhémente ; reste à redoubler l’évident rayonnement scénique par un jeu théâtral plus libre, ni les costumes, ni les mouvements en dépit du bon sens de cette non-production n’aidant l’actrice à se libérer. On attend avec curiosité de voir dans quelle direction évoluera ce talent rare (Hélène n’étant pas le dernier des périls !), en priant pour qu’il fasse les bons choix de répertoire. Rendez-vous est pris pour son retour prochain.



Vincent Agrech

 

 

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