Back
Drame politique Bruxelles La Monnaie 05/23/2003 - et les 25*, 27, 29, 30 mai et les 1er et 3 juin 2003 Modest Petrovich Musorgsky: Khovanshchina Anatolij Kotscherga (Dosifei), Elena Zaremba (Marfa), Willard White (Ivan Khovansky), Pär Lindskog (Andrei Khovansky), Glenn Winsdale (Vassili Golitzin), Robin Leggate (Le Clerc), Hélène Bernardy (Emma), Jacques Does (Varsonoviev), Marten Smeding (Kuzhka), Tie Min Wang (Streshniev), Pierre Doyen, Jacques Does (Streltzy), André Grégoire (complice de Golitzin), Anna Bussey, Ines Cera, Frankie D’Andrea, Aline Deleu, Sylvia Printemps, Natalja Sladzja (les danseuses)
Stein Winge (mise en scène), François deCarpentries (reprise de la mise en scène), Chloë Obolensky (décors), Claudie Gastine (costumes), Hans-Ake Sjöquist (lumières), Inger-Johanne Rütter, Renato Balsadonna (chef des chœurs)
Orchestre Symphonique et Chœurs de la Monnaie, Kazushi Ono, direction musicale
Production du Théâtre Royal de la Monnaie ; Reprise (1996)
Cette production de La Khovanshchina de Musorgsky (dans la version orchestrée par Chostakovitch avec un finale de J. David Jackson) avait été l’un des moments importants de la saison 1995-1996 de la Monnaie. C’est dire si cette reprise était attendue. Stein Winge a délégué à son assistant de l’époque François deCarpentries (metteur en scène émérite lui-même) le soin de reprendre le spectacle. Et nous sommes touchés de constater que celui-ci n a rien de perdu de sa force émotionnelle, Winge ayant assumé à l’époque la dimension politique de l’œuvre en plus de celle d’un drame populaire, en transposant l’action dans une Russie du milieu du vingtième siècle, voulant démontrer que l’histoire ne cesse de se répéter, que la lutte pour le pouvoir passe toujours avant le souci de préserver le peuple. Sujet encore d’actualité en 2003…et qui le sera encore longtemps, si l’on partage la vison pessimiste de Stein Winge.
Dans un décor magnifique de Chloë Obolensky, unique mais modulable de manière très habile, habillé par des subtiles lumières d’Hans-Ake Sjöquist, l’action de l’œuvre est clairement exposée, la direction des interprètes (et quels interprètes !) étant d’une force qu’on a rarement vu sur une scène lyrique.
Et c’est pourtant de la fosse que nous parvient la plus grande satisfaction. Kazushi Ono sculpte une masse orchestrale de toute splendeur avec un jeu de nuances infinies, une précision rigoureuse mais une souplesse permettant à mille détails d’apparaître, la balance avec la scène étant parfaite. Il suffit de regarder Ono et sa gestique de direction pour être fasciné par la beauté et la clarté de celle-ci !
Sur le plateau, les chœurs se donnent à fond et aussi bien dans les passages puissants et violents que dans les moments de réserve où il faut chanter sur le fil de la voix, le résultat est splendide d’engagement et d’émotion.
Les chanteurs s’imposent comme une équipe cohérente avec des personnalités particulièrement attachantes. Anatolij Kotscherga est bien connu dans le rôle de Dossifei et l’on comprend pourquoi, tant il s’implique. Willard White nous bouleverse encore plus surtout dans sa dernière scène où il tente de retrouver des moments de plaisirs alors que le drame le submerge. Elena Zaremba trouve en Marfa le rôle de sa vie, permettant à sa voix si typique de trouver les accents les plus adaptés, son étendue vocale et ses capacités émotionnelles y trouvant le terrain le plus propice. Les deux ténors Pär Lindskog et Glenn Winslade n’obtiennent pas de si heureux résultats mais finissent pas emporte l’adhésion par leur engagement. Ronnie Johansen est particulièrement mis en avant par le metteur en scène et il s’acquitte efficacement de cette tâche. Plus encore aboutie, l’incarnation du clerc par Robin Leggate sera difficile à oublier. Enfin Hélène Bernardy, jeune chanteuse belge, qu’Ono a découvert dans la troupe de l’Opéra de Karlsruhe, est très prometteuse dans le rôle court mais très difficile d’Emma. La saison prochaine, nous aurons l’occasion de la retrouver dans deux rôles plus conséquents : Guenièvre dans Le Roi Arthus et Ellen Orford.
Par bonheur, cette réussite bénéficiait de la présence de nombreuses caméras dans la salle qui permettront d’immortaliser cette production qui aura marquer l’histoire de la Monnaie.
christophe Vetter
|