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L’homme de la soirée

Paris
Opéra Bastille
02/24/2003 -  et 1er, 4, 7, 13, 15 mars 2003
Pascal Dusapin : Perelà, L’Homme de fumée
John Graham-Hall (Perela), Martine Mahé (Une pauvre vieille), Nora Gubisch (La marquise Olivia di Bellonda), Gregory Reinhart (Premier garde du Roi, Le philosophe Pilone), Jaco Huijpen (Le chambellan, Le ministre), Scott Wilde (Le valet, Alloro), Youngok Shin (La Reine), Chantal Perraud (La fille d’Alloro), Nicolas Courjal (Le banquier), Dominique Visse (L’archevêque), Daniel Gundlach (Le perroquet)
Orchestre de l’Opéra National de Paris, Chœur de chambre Accentus, James Conlon (direction)
Peter Mussbach (mise en scène)


Après Philippe Fénelon (Salammbô), Philippe Manoury (K..., repris cette saison) et Rolf Liebermann (Medea), c’est sur Pascal Dusapin que reposait la lourde responsabilité d’assurer la création mondiale annuelle de l’Opéra de Paris. Adapté de l’œuvre d’Aldo Palazzeschi écrite en 1911, Perelà, L’Homme de fumée est déjà le quatrième opéra d’un compositeur qui n’a pas encore atteint cinquante ans !


On retrouve dans cette création tout le charme et l’intelligence de la musique de Pascal Dusapin, son écriture madrigalesque, cette sorte de continuum de voix qui se chevauchent en de subtiles inflexions, en circonvolutions, en volutes de fumée... Diaphane par moment, l’orchestre peut devenir massif et sombre (comme dans Extenso ou Apex, deux pièces pour orchestre), disparaître discrètement pour laisser place au chant, ou se dédoubler avec l’intervention d’une fanfare «à la Wozzeck». Dusapin déploie ici toute l’étendue de son talent, celle d’un des meilleurs alchimistes de l’orchestre. Bercées par cette musique, les voix déploient un chant sensuel et raffiné. Plus conventionnel que Roméo et Juliette ou To be sung, le livret de Palazzeschi ne se prête cependant pas à une appréhension traditionnelle avec son personnage central à l’identité indéfinie, ses protagonistes qui sont plus des «types» que des personnages proprement dits, sa narration incertaine. On reconnaît là l’inclination du compositeur à interroger les formes et les genres de l’intérieur, en quelque sorte, plutôt que de se conformer à des catégories prédéfinies et balisées. Mais l’entreprise semble cependant plus séduisante intellectuellement qu’affectivement, le livret manque singulièrement de densité, l’intrigue est plate, les rôles trop simplistes pour vraiment émouvoir. Même si l’on ressort enthousiaste par ce que l’on a entendu, on reste un petit peu sur sa faim alors qu’on aurait tant aimé «marcher» !


On revient ici au sempiternel problème du «livret pour l’opéra d’aujourd’hui» tant il est vrai que la littérature actuelle, française notamment, demeure trop nombriliste et superficielle pour offrir un quelconque matériau intéressant. Où chercher alors ? En faisant les fonds de tiroir pour dénicher le roman oublié d’un italien écrit il y a presque un siècle et, surtout, dans un contexte artistique - le futurisme - qui ne «dit» plus grand chose au public français d’aujourd’hui ? Levons modestement le voile sur une piste : lorsque l’on voit, au cinéma, un authentique chef d’œuvre comme Solaris de Steven Soderbergh, on se rend compte qu’il existe des textes reprenant les grands thèmes de l’humanité dans une narration profondément renouvelée et captivante (Stanislaw Lem en l’occurrence, mais il faut aussi aller voir du côté de Philip K. Dick etc sans s’arrêter aux préjugés attachés au genre «science fiction»)...


Le travail de Peter Mussbach est incontestablement de grande qualité, pensé et réfléchi, mais avec son côté très conceptuel et élaboré, son décor (d’Erich Wonder) monté sur des vérins, ses personnages tous baroquement déguisés (par Andrea Schmidt-Futterer) et portant des masques, à l’exception de Perelà qui affiche une dégaine à la Mr Hulot, et la provocation gratuite et passablement usée d’un archevêque hystérique, le metteur en scène allemand a tendance à caricaturer et à inutilement exacerber l’inquiétante étrangeté du livret et de la musique. C’est un peu les gros sabots germaniques contre la subtilité toute latine... Mention spéciale par contre à l’orchestre, impeccable, et au plateau vocal, dominé par John Graham-Hall qui fait ici sa première apparition à l’Opéra de Paris, et Nora Gubisch, bien connue dans ces murs depuis Salammbô. L’ovation unanime qui a accueilli les interprètes et Pascal Dusapin rassure, encore une fois, sur la vigueur de la création lyrique contemporaine et le large écho qu’elle trouve dans le public.




Philippe Herlin

 

 

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