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Con brio Paris Théâtre Mogador 01/23/2003 -
Max Bruch : Concerto pour clarinette et alto, op. 88 Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 2, op. 16 Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 10, op. 93
Philippe Berrod (clarinette), Jean Dupouy (alto), Tzimon Barto (piano) Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)
Copieux programme, faisant précéder deux classiques russes du XXe siècle par une rareté, le Concerto pour clarinette et alto (1915) de Max Bruch. Durant les deux premiers mouvements, d’allure modérée, les tournures mélodiques et les timbres évoquent décidément Brahms, qui avait également confié trois de ses ultimes partitions à la clarinette et à l’alto, dans le même climat de tendresse nostalgique, tandis que le finale, plus vif, possède une verve quasi mendelssohnienne. L’association des deux instruments, parfaitement équilibrée au disque (par exemple dans le témoignage qu’en ont donné Paul Meyer et Gérard Caussé voici quelques années), semble toutefois plus délicate au concert, où, indépendamment des qualités des deux solistes de l’Orchestre de Paris, la lutte semble inégale entre la puissance de la clarinette et la discrétion de l’alto.
Tzimon Barto, régulièrement invité par l’Orchestre de Paris (voir par exemple ici), donne une interprétation très personnelle du Deuxième concerto pour piano de Prokofiev, une œuvre qui, malgré les apparences, est exactement contemporaine du Double concerto de Bruch... D’une liberté assez déroutante, le pianiste américain, fort d’une technique phénoménale, joue sur l’articulation, la dynamique, le rubato et le rythme pour donner une forte caractérisation aux moments mélodiques et expressifs ménagés par le compositeur, particulièrement dans les mouvements extrêmes. Les deux volets du premier mouvement contrastent ainsi totalement, entre un andantino presque postromantique, aux phrasés extrêmement travaillés, où la mélodie semble parfois peiner à s’élever, et un allegretto plus objectif et traditionnel. Les mouvements centraux, abordés de façon plus habituelle, mettent en valeur l’humour pince-sans-rire et le sarcasme, voire le cauchemar. Barto, qui donne ce soir, toujours à Mogador, un récital présentant des œuvres de Bartok, Rameau, Schumann, Rihm, Bach, Brahms et Schulz-Evler, offre en bis à un public enthousiaste le Tango extrait d’Espanad’Albéniz.
Achevée il y a tout juste un demi-siècle, la Dixième symphonie de Chostakovitch est aussi rapidement que légitimement devenue un pilier du répertoire de nos orchestres (voir ici, ici et ici) et, bien entendu, des autres grandes formations (voir par exemple ici). Christoph Eschenbach en donne une lecture à la fois ample (près d’une heure, dont une demi-heure pour le seul moderato initial) et tendue, aux contrastes volontiers exacerbés, cinglant à souhait dans le terrible allegro et restituant la diversité des climats de l’allegretto. L’allegro final libère la forte pression de l’andante introductif, pris dans un tempo extrêmement retenu. Pour l’orchestre, c’est également l’occasion d’une nouvelle démonstration de brio instrumental, avec, parmi tant d’autres, l’éloquent basson de Marc Trenel et l’infaillible cor d’André Cazalet.
Simon Corley
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